Finlande : leadership pédagogique et culture professionnelle de la confiance

Publié le 15 mai 2023

En introduction au colloque international Enjeux et défis du leadership pédagogique et scolaire au XXIe siècle, l’IH2EF vous propose des présentations du contexte scolaire dans une douzaine de pays, essentiellement européens. Rédigées par Romuald Normand, professeur à l’université de Strasbourg et directeur scientifique de ce colloque, ces présentations permettent de saisir les différents contextes et enjeux scolaires qui seront évoqués par les intervenants.

En Finlande, les collectivités locales sont chargées d'organiser l'éducation de base, d'allouer des financements, de recruter le personnel et de créer un programme d'études local à partir de directives nationales.

Elles déterminent le degré d’autonomie du chef d’établissement mais ses fonctions de base sont fixées par la loi. La constitution finlandaise garantit un accès égal et gratuit à l’éducation alors que moins de 2 % des élèves fréquentent le privé.

L'Agence Finlandaise pour l'Éducation collabore avec le ministère pour promouvoir des objectifs et des contenus scolaires, tout en préconisant certaines méthodes d'enseignement pour la petite enfance, le primaire, le secondaire et l’éducation des adultes. En 2013, l'éducation de la petite enfance a été transférée au ministère des Affaires sociales et de la Santé.

En 1979, des changements ont affecté la formation des enseignants alors qu’une nouvelle loi mettait l’accent sur leur professionnalisme et l’exigence d’une formation basée sur la recherche. Depuis le début des années 1990, le système éducatif finlandais est décentralisé, sans inspection ni contrôle des manuels scolaires. Les programmes scolaires nationaux donnent des directives générales mais chaque municipalité peut définir ses propres contenus scolaires. Les autorités finlandaises font confiance aux professionnels de l’éducation, considérés comme compétents, ainsi qu’à leur autonomie. Les évaluations nationales se font sur la base d’un échantillon national, aux côtés de l’examen de fin de scolarité obligatoire. Il n’existe pas de tests standardisés. Mais les démarches d’auto-évaluation se sont renforcées au nom de l’assurance-qualité. L’enseignement est fortement centré sur l’interdisciplinarité et les compétences du XXIe siècle ou soft skills. Le chef d’établissement se considère comme un "primum inter pares", bien loin d’un positionnement hiérarchique. Il ou elle exerce des tâches d’enseignement qui peuvent aller de 4 à 20 heures par semaine, ce qui est bien accepté par les enseignants.

En 1992, la Finlande a promulgué un décret national sur la formation des chefs d’établissement mettant l’accent sur le leadership pédagogique, le droit, l'administration et l'économie.

Depuis 1999, tous les chefs d’établissement doivent être titulaires d'un master et avoir une expérience suffisante de l'enseignement. Ils doivent disposer d’un certificat national de direction scolaire d'une valeur de 25 ECTS (Système Européen de Transfert de Crédits).

La législation nationale ne détaille pas le travail des chefs d’établissement et les municipalités ont des approches différentes. Les tâches, activités, et responsabilités demeurent donc très variables d’un contexte à l’autre. Les chefs d’établissement sont toutefois considérés comme des responsables pédagogiques devant coordonner le travail des enseignants et connaître la pédagogie. En outre, ils doivent comprendre les enjeux du développement professionnel des enseignants et proposer des idées pour soutenir cette activité sur site. Ainsi, l'un des objectifs des chefs d’établissement est de créer et de maintenir un environnement de travail favorable et positif pour les enseignants.

En Finlande, le leadership distribué est mis en avant et privilégié comme mode de travail. Il fait partie des fondements de la culture scolaire.

Les enseignants ont généralement peu d'influence sur les décisions administratives, comme la taille des classes, les horaires et l'allocation des ressources. En revanche, ils exercent leur influence sur les décisions et les pratiques pédagogiques dans les classes.
Les exigences vis-à-vis des chefs d’établissement finlandais sont élevées, tandis que leurs responsabilités et charges de travail ne cessent d’augmenter, ce qui conduit à une augmentation du stress et du burn-out, comme le montrent les études dans le pays.
De nombreuses municipalités et établissements sont de petite taille, ils disposent rarement d'un personnel administratif suffisant pour soutenir le travail de la direction. Donc, outre le travail administratif, les chefs d'établissement doivent travailler en réseaux et gérer des communautés d'apprentissage regroupant plusieurs écoles et établissements.

Bien qu’ils soient accaparés par des tâches administratives et managériales, les chefs d’établissement finlandais se considèrent avant tout comme des leaders pédagogiques.

Ce leadership repose sur la coopération professionnelle entre les enseignants et l’équipe de direction. Même si les établissements et les communautés d'apprentissage permettent et encouragent l'autonomie et la liberté pédagogique, cela ne se traduit pas nécessairement par des responsabilités partagées. La coopération en Finlande peut être décrite comme un "travail d'équipe indépendant", ce qui signifie que les accords et les négociations sur la pédagogie sont menés de manière participative mais que les pratiques sont exécutées individuellement. En effet, les enseignants finlandais ont une certaine réputation de "conservatisme pédagogique", ce qui rend le développement des établissements scolaires parfois difficile pour les chefs d’établissement. Ceux-ci doivent trouver un équilibre entre régulation par les pairs et affirmation de leur autorité lorsqu'ils interagissent avec les équipes pédagogiques. Toutefois, le sens de la participation et la responsabilité l’emporte souvent dans les échanges professionnels alors que la culture finlandaise est plutôt conformiste et hostile aux conflits interpersonnels.

La direction scolaire en Finlande fait également face à quelques défis.

Le vieillissement des chefs d’établissement sans véritable stratégie pour un renouveau générationnel. L’augmentation de la charge de travail due à l’ampleur des missions, avec le risque de départs hors de la profession plus nombreux. Une structure salariale qui n’incite pas vraiment les enseignants à devenir chefs d’établissement. Une offre de formation au leadership qui demeure encore très hétérogène, dispensée par les universités et quelques grandes municipalités, mais peu accessible dans les zones rurales et les municipalités isolées.

Parce que les résultats PISA de la Finlande ont baissé en 2012 et 2015, les décideurs finlandais en ont conclu que le système éducatif ne favorisait pas suffisamment les compétences du XXIe siècle. Les connaissances dans le numérique, l'esprit d'entreprise et la sensibilisation à l'environnement sont quelques-unes des compétences du XXIe siècle mises en avant dans les programmes scolaires. Les chefs d’établissement sont chargés de développer une communauté d'apprentissage professionnel dans laquelle les enseignants et les élèves puissent s’épanouir. Le ministère a lancé pour cela un plan ambitieux visant, entre autres, le renforcement de la formation au leadership en éducation.