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Le système éducatif et la laïcité en Belgique

Publié le 23 septembre 2022

picto entretien Quelles sont les spécificités des relations entre l'État et les cultes, entre l'École et les cultes, en Belgique ? Voici un bref entretien rédigé par les auditeurs du cycle annuel 2021-2022.

pictogramme quizz entretien Entretien flash

4 questions à Leni Franken,
Education supervisor, Pieter Gillis Centre for Pluralistic Reflection, university of Antwerp (université d'Anvers, Belgique).

 

La Belgique présente de fortes spécificités en termes de relations entre l’État et les cultes, entre l’école et les cultes. Pouvez-vous nous en donner les lignes de force ?

Le système scolaire belge est complexe, ce dernier repose sur les trois ministres de l’éducation (Flandre, Wallonie, Bruxelles) qui appliquent la constitution fédérale et sont garants de la très forte connexion entre l’état et l’église, tout en garantissant le respect du principe de neutralité de l’État avec la conception philosophique, religieuse ou spirituelle des parents. Il prend en compte les singularités propres à l’histoire du pays et, notamment, du pluralisme des communautés (francophone, néerlandophone et germanophone).

Il se caractérise, en effet, par :

  • une constitution nationale avec un cadre fédéral de l’organisation politique qui accorde une délégation de l’éducation aux trois communautés ;
  • une séparation formelle entre l’état et l’église, avec toutefois le subventionnement des cultes reconnus par l’État (6 religions et un culte non confessionnel "humaniste") dont la liste est évolutive ;
  • un principe de neutralité attaché au respect des croyances des familles (l’art 24-1 de la Constitution dispose que "la communauté assure le libre choix des parents") ;

On observe une offre d’enseignement libre conséquente, qui se partage entre 25 % d’enseignement public, et le reste privé, en majorité catholique. Il est à noter que tout type d’enseignement est gratuit jusqu’à l’âge limite obligatoire de la scolarité.

Le système d’enseignement belge repose, ainsi, sur un double polymorphisme avec une dualité public/privé, qui s’appuie sur une obligation de suivi d’un cours de religion ou de morale (EPC) et sur l’absence de supervision de l’État sur les cours de religion, dont les programmes et les enseignants sont placés sous l’entière et unique responsabilité de chaque culte. Dans tous les types d’établissements, le cadre de cet enseignement et ses principes de mise en œuvre sont différents selon le type d’écoles et la communauté linguistique, entraînant - de fait - une rupture du principe d’égalité.

Dans les établissements, une interdiction d’affichage de signes ostentatoires est requise, sauf dans les écoles privées catholique où la croix est autorisée, avec une attention particulière pour le recouvrement de la tête.

Il semble qu’il y ait une différence en ce qui concerne l’enseignement obligatoire des religions dans les établissements scolaires, selon qu’ils sont publics, libres ou privés. Comment cela se caractérise-t-il ?

Les modalités d’enseignement obligatoire des cours de religion varient selon deux critères, celui du type d’établissement (public ou privé) et de leur région administrative de rattachement.

S’agissant de l’école publique :

  • au sein de la communauté flamande, les 2h d’enseignement religieux ou de morale, peuvent être optionnels, avec l’obligation, toutefois, de rester dans l’établissement ;
  • au sein de la communauté wallonne, il est proposé 1h de religion et 1h d’éducation à la philosophie et à la citoyenneté, ou 2h d’enseignement d’EPC ;
  • pour éviter toute confusion chez les élèves, les enseignants de cours de religion, désignés par leur culte, ne sont pas autorisés à faire les cours d’EPC.

S’agissant de l’école libre ou privée :

  • les 2h d’enseignement religieux sont obligatoires et peuvent être portées à 3h.

Ce système original d’enseignement religieux/philosophique, qui s’appuie sur l’article 24 de la Constitution, présente des limites. Quelles sont-elles ?

Tout d’abord, il faut noter une forte sécularisation de la société, cette dernière suivant une tendance qui ne va pas dans le sens des religions, ce phénomène n’épargnant pas l’enseignement privé. Ainsi, la prégnance des écoles catholiques décroche de l’évolution sociétale, générant par là même un certain décalage avec les offres d’enseignement, les religions minoritaires n’étant pas pris en considération ;

Du fait de la prépondérance de la culture catholique dans certaines régions, l’inégalité d’offres d’enseignement des religions inscrites dans la géographie, crée - de fait - une exclusion pour les autres. La demande de plus en plus forte d’établissements libres pour les musulmans, combinée à l’absence d’instances représentatives, constitue un défi pour les autorités belges.

Enfin, l’absence de contrôle des enseignements religieux par les autorités peut poser des difficultés, notamment au sujet du profil et de la provenance des intervenants.

Au regard des limites que vous nous avez décrites, dans le cadre d’un système de pilarisation, lui aussi original, quelles sont les perspectives nouvelles que vous entrevoyez ?

La pilarisation de la Belgique, qui est un système dans lequel l'organisation sociale, politique et philosophique s'articule essentiellement selon une opposition religieuse et une opposition politique, trouve ses limites et nombreux sont ceux qui appellent, aujourd’hui dans la société belge, à un mouvement de contre-balancier, vers une dé-pilaristion, qui répond à une quête de pacification des relations humaines.

Dans ce contexte, au plan de l’enseignement, une volonté de transformer les cours de religion en cours plus neutres se dessine dans une perspective commune, qui intègre le "vivre ensemble".

Au fond, les perspectives nouvelles qui se dessinent cherchent à renforcer la cohésion de la société belge par l’école, en promouvant une plus grande ouverture à l’autre et en offrant un enseignement des religions qui ne puisse, en aucun cas, créer ou entretenir des tensions.

 

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