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[L'intervenante est à une table de conférence face à l'auditoire, accompagnée d'autres intervenantes. Un présentoir est devant elle, ainsi que micro et dossier.]

Viviane BOUYSSE

IGEN

MENESR

Viviane BOUYSSE :

Peut-être vous dire deux mots au tout début de la manière dont nous avons conçu ce moment. Je vais intervenir d'abord en plantant d'une certaine façon le cadre et en donnant le sens d'un propos que nous partageons avec Anne Burban et Madame Bouveret. Anne Burban et Madame Bouveret interviendront ensuite pour, je ne dirais pas illustrer, mais pour approfondir certains points de mon propos que je ne ferai que présenter rapidement et pour l'illustrer, concrètement, à partir de l'exemple des mathématiques. Alors, pour rentrer dans le vif du sujet, je pourrais dire que notre intervention ce matin peut être considérée comme un prolongement à celle de Madame Kahn hier. Elle vous a laissés peut-être avec une forme de dépit, avec un verdict peu optimiste sur l'efficacité de la différenciation, sans que ce verdict-là soit forcément totalement explicité. Une des raisons peut-être pour lesquelles, me semble-t-il avec raison, elle a pu terminer comme cela, et qui explique son propos, c'est que les observateurs qui ont vraiment analysé ces choses-là sont d'accord sur le fait que bien des formes pédagogiques peuvent rendre les individus, les sujets, plus curieux, plus entreprenants, plus coopérants, que la pédagogie plus ordinaire que l'on voit dans les classes.

[carton titre à l'image]

Enseigner pour faire apprendre. Quelle place faire à l'élève ?

Viviane BOUYSSE

Inspectrice générale de l'Éducation nationale

ESENESR, 22 janvier 2016

Viviane BOUYSSE :

Mais aussi brillantes soient ces pédagogies du détour, elles ne seront pas efficaces si elles laissent de côté ce qu'on peut appeler, plus sobrement peut-être, le sujet apprenant. Il n'est vraiment apprenant que s'il active son fonctionnement cognitif. Au fond, l'objet de notre propos ce matin est celui-là. Nous allons nous situer du côté de l'élève. Et illustrer finalement en quoi, quelle que soit la forme, parce qu'il me semble qu'il ne faudrait pas rattacher trop rapidement les formes qui aident à des formes de pédagogie tout à fait particulières, quelle que soit la forme, c'est de ce côté-là qu'il faut chercher peut-être, enfin même sans doute, pour améliorer l'efficacité du système scolaire. Ce propos, que j'avais appelé Enseigner pour faire apprendre, en répondant à une commande des collègues de Montpellier auprès de qui je m'excuse puisque je reprends partiellement, je leur demande de m'excuser, parce que je reprends partiellement un exposé que j'avais fait pour eux, Enseigner pour faire apprendre, parce que c'est une manière, pour moi, de reformuler ce qu'est l'accompagnement pédagogique. L'accompagnement pédagogique, c'est vraiment celui qui se soucie tout en enseignant de ne jamais perdre de vue d'une certaine façon, de toujours faire sa place à l'élève dans le processus. Alors, mon propos est construit en trois points. Je vais passer assez vite sur le premier. Mais il me semble qu'il est indispensable, pour donner les fondements et donner les clés de compréhension de ce qui suit.

[carton qui reste à l'image pendant que Viviane BOUYSSE parle]

1. Des modèles de fonctionnement de l'élève

ce qui est commun à tous

Modèle piagétien, Modèle dépassé par de nombreux aspects

Accent mis sur les opérations mentales comme actions intériorisées : penser, c'est exécuter sur le plan symbolique une action, transformation sur des objets, Objets réels représentés mentalement, opérations, notions...

Nécessité pour l'enseignement de faire (re)construire sur le plan symbolique ce qui a été réussi en pratique. Confère notions de reconfiguration, secondarisation, soit décontextualisation : accès à une autre finalité, ce que l'action vise au-delà de sa mise en œuvre, chez E. Bautier. Apprendre en faisant, ce n'est pas – pas seulement – apprendre à faire.

Importance du lien Réussir. Rater, rôle de l'erreur [astérisque] .

Comprendre.

Viviane BOUYSSE : :

La première partie du propos est traiterait, si on voulait le faire à fond, des modèles de fonctionnement de l'élève. En gros, ce qui est commun à tous. Ce sur quoi on s'accorde aujourd'hui. Alors, je vais le faire très vite car ce n'est pas l'essentiel. Je pense que vous connaissez cela, mais il faut remettre ce cadre de référence en tête me semble-t-il. Premier modèle de fonctionnement, un des plus anciens, le modèle piagétien. Dans le modèle piagétien, ce que je retiendrai là, c'est l'idée au fond fondamentale, c'est que l'individu pense, l'individu met en œuvre des opérations mentales qui sont nécessairement ce que Piaget appelle des actions intériorisées. On ne va pas développer. Mais il faut mettre cela en lien avec ce sur quoi certains sociologues, et je pense que les sociologues du réseau RESEDA, auxquels Madame Kahn faisait référence hier, insistent particulièrement, c'est-à-dire qu'apprendre en faisant, ce n'est pas apprendre à faire. Ou, ce n'est pas seulement apprendre à faire. Quand on apprend à faire quelque chose, on doit dépasser ce niveau-là, c'est ce qu'Élisabeth Gauthier appelle souvent la reconfiguration, la secondarisation, la décontextualisation. Autrement dit, qu'a-t-on appris en faisant ? Une fois que j'aurai fini de faire, d'une certaine façon, le système est clos. Si je veux avoir quelque chose à transférer, à conserver pour la suite, il faut que je tire les leçons de ce faire, d'une certaine manière. La question de la reconfiguration est là derrière. On a bien vu hier dans les vidéos qui illustraient certains des EPI qui étaient présentés, cette recherche qu'avaient les enseignants d'aller au-delà du faire. On a entendu parler de journal de l'apprentissage, ces éléments-là qui tirent justement dans ce sens.

[carton longuement à l'image pendant que Viviane BOUYSSE parle]

Modèles issus du courant culturaliste. Vygotsky, Bruner.

La formation de l'individu est dépendante des interactions avec les outils matériels et symboliques, soit le langage et autres modalités de représentation) inventés par l'Homme.

Critique du modèle piagétien qui néglige ces aspects

Importance du langage, du contact avec les œuvres, des médiations, des interactions avec un Plus Expert :

Apprendre est égal à intérioriser, faire sien quelque chose qui a été transmis, partagé.

Viviane BOUYSSE :

Deuxième modèle, le modèle que je qualifie, moi, d'issu du courant culturaliste. Les têtes de file seraient Vygotsky et Bruner. De ce côté-là, on nous dit au fond : la formation de l'individu est dépendante des interactions avec les outils matériels et symboliques inventés par l'Homme. Symboliques, c'est le langage, toutes les formes de représentation. Qu'est-ce qu'on en retient ? On en retient essentiellement d'abord l'importance du langage, de la langue et du langage. L'importance de toute façon de travailler cette base-là, et, en particulier, c'est la responsabilité de l'école maternelle et de l'école élémentaire, que de donner tous les fondements aux apprentissages que le collège devra mettre en place après. Importance du contact avec les œuvres au sens large du terme. Ce n'est pas simplement artistique. L'Homme a inventé des choses. L'Homme a créé des choses. Au fond, enseigner, transmettre, c'est donner un accès aux œuvres. Pour ce courant là, apprendre, c'est intérioriser. C'est faire sien quelque chose qui a été transmis et qui a été partagé. [Viviane BOUYSSE revient à l'image]. Le rôle des enseignants ne peut pas être de s'abstenir en pensant que les élèves pourraient apprendre seuls. Je crois qu'il y a un vice dans certaines pédagogies actives de la découverte de s'imaginer finalement que les élèves pourraient faire sans médiation.

[diapo qui reste à l'image pendant que Viviane BOUYSSE parle]

1. Des modèles de fonctionnement de l'élève

Modèles issus des courants cognitivistes

Apprendre, c'est égal à intégrer des informations nouvelles en mémoire [astérisque] permanente, d'où l'importance accordée au cadre assimilateur c'est-à-dire au fonctionnement du sujet.

1 : Piliers de l'apprentissage selon S. Dehaene, neurosciences cognitives, voir site Collège de France.

Les facteurs qui déterminent la vitesse et la facilité d'apprentissage sont :

• l'attention. Apprendre suppose de porter volontairement attention à. L'engagement actif.

• Le retour d'information [astérisque], importance de l'évaluation incluant l existence de signaux d'erreurs explicites, motivation et récompense qui peut s'exprimer par le regard des autres, par le sentiment de progresser. Et de la méta-cognition.

Viviane BOUYSSE :

Troisième courant, le courant le plus puissant actuellement, les courants cognitivistes, avec en particulier la question des neurosciences. Pour le résumer, je dirais que pour ce courant là, apprendre, c'est intégrer des informations nouvelles en mémoire permanente. La problématique de la mémoire, du fonctionnement de la mémoire, et de la manière dont, en enseignant, nous apprenons aux élèves à faire fonctionner leur mémoire, est un des éléments déterminants. [Elle évoque la diapositive du texte qui est toujours à l'image]. Alors, chaque fois que vous verrez l'astérisque, cela veut dire qu'Anne et Madame Bouveret, illustreront et développeront après. C'est un petit signal pour le dire.

Une des deux intervenantes  : [pas à l'image]

Activer notre mémoire.

Viviane BOUYSSE :

Nous y reviendrons. [Le tableau est toujours seul à l'image et il le reste pendant qu'elle l'explique]. Ce courant-là nous amène à être attentifs à ce que j'ai mis entre guillemets là, le cadre assimilateur, le fonctionnement du sujet. Évidemment, celui qui est le représentant le plus connu de ce courant en France, c'est Stanislas Dehaene. Je reprends là parce qu'il me semble que nous avons des bases solides avec ce travail. Vous pourrez le retrouver plus développé et développé plus longuement sur le site du Collège de France où il a un séminaire régulier et où vous trouvez tous ses cours, dont un diaporama sur ces questions de l'apprentissage. Je n'ai fait là que résumer ce qu'il appelle des facteurs qui déterminent la vitesse et la facilité de l'apprentissage. Le premier, c'est l'attention. Nous n'aurons sans doute pas le temps de développer tout cela. Apprendre suppose de porter volontairement attention à quelque chose. On fait certains apprentissages sans être dans cette logique de l'attention volontaire et réflexive. Ce sont des apprentissages adaptatifs, ce ne sont pas les apprentissages les plus perfectionnés que le système éducatif recherche. Cette problématique de l'attention est une problématique sans doute première et on voit bien comment certaines recherches aujourd'hui de forme pédagogique sont des moyens de mettre les élèves, de contraindre les élèves à activer leur attention. Je pense en particulier à la manière dont on pourrait interpréter la classe inversée, mais on pourrait y revenir, si vous le souhaitez, plus tard. Le deuxième pilier de l'apprentissage qu'il faut lier à l'attention, c'est l'engagement actif de l'individu. Cette idée d'une activité. Mais je reviens au propos de la première diapositive, d'une activité qui soit une activité cognitive, hein. Il ne suffit pas de s'agiter dans une salle, ce genre de choses. C'est l'activité cognitive qui nous intéresse. Deuxième grand élément, mais Anne et Sabine Bouveret l'expliciteront, ce que Dehaene appelle le retour d'information. L'élève a besoin d'un point de vue extérieur, celui d'un maître, celui d'un père, sur ce qu'il fait. Cela s'appelle l'évaluation. Et en particulier, ce qui est déterminant, nous dit Dehaene, c'est l'existence de signaux d'erreur explicites. L'erreur n'a pas à être culpabilisée, l'erreur n'a pas à être stigmatisée, l'erreur est un levier de l'apprentissage. Encore faut-il que les élèves aient des moyens de les détecter, de les comprendre. Du côté du retour d'information et de l'évaluation, Dehaene évoque aussi la motivation et la récompense. J'ai repris ce terme, nous ne sommes plus coutumiers de son usage, mais j'ai complété un peu, parce qu'elle peut s'exprimer aussi par le regard des autres, par le sentiment de progresser. Il sent bien quand même en disant cela qu'il peut y avoir des mésinterprétations. Notons l'importance de la métacognition, mais les collègues y reviendront.

[Carton de la diapositive suivante, qui reste à l'image plein cadre pendant que Viviane BOUYSSE parle].

Modèles issus des courants cognitivistes / suite

la consolidation jusqu'à l'automatisation [astérisque] : transfert du traitement conscient au traitement automatique, non conscient, d'où libération des ressources attentionnelles.

Le sommeil

2. Description du fonctionnement cognitif : O. Houdé - Le raisonnement, Presse Universitaire de France, 2014 -

Deux systèmes en conflit potentiel : des stratégiques heuristiques, rapides, relativement automatiques ; c'est-à-dire sans contrôle délibéré, INNÉES ou ACQUISES. Des stratégies analytiques plus lentes, contrôlées, attentionnelles, APPRISES. Confère D. Kahneman.

L'arbitre : un troisième système mobilisant l'inhibition, contrôle inhibiteur. Au niveau cérébral, maturation tardive.

Viviane BOUYSSE :

Troisième point, qui sera aussi bien illustré par Anne et Sabine Bouveret, ce qu'on appelle la consolidation des apprentissages jusqu'à l'automatisation. Ça ne vaut pas de la même façon pour tous, mais ça vaut pour beaucoup et en particulier ceux qui vont être déterminants pour la réussite scolaire dans des parcours finalement où l'étape 1 conditionne l'étape 2, qui conditionne l'étape 3, et ainsi de suite. Si on ne va pas jusqu'à ce que certains appellent le surapprentissage, c'est-à-dire ce moment où certains traitements deviennent automatiques. Devenir automatique, ça veut dire dans le langage des cognitivistes, que l'individu n'a plus besoin de les activer consciemment. N'ayant plus besoin de les activer consciemment, sa mémoire, son attention, sont libérées pour des tâches plus profondes. Il est vraisemblable qu'en tout cas à l'école primaire, quelque chose qui fait défaut dans beaucoup de classes, c'est le temps qu'il faut pour parvenir à cette consolidation et à cette automatisation. Ce n'est pas que les enseignants n'enseignent pas comme il faudrait, c'est que les élèves n'ont pas le temps d'assimiler. Dernier point, qui n'est pas une recommandation à votre égard, mais je le signale quand même, parce que Dehaene considère que le sommeil est un levier et un facteur de l'apprentissage. [Un murmure traverse l'assistance]. Alors, je passerai plus rapidement sur la deuxième description du fonctionnement cognitif que l'on doit, celle-là, à Olivier Houdé, mais c'est quelque chose tout de même qui mérite d'être connu. Olivier Houdé, j'ai signalé son petit livre Que sais-je parce qu'il est aisé à lire, même s'il n'est pas forcément très réjouissant, bon, mais tout de même. Il explique bien que chez l'individu en cours d'apprentissage et en cours de travail, il peut y avoir conflit potentiel entre deux systèmes. Le système des stratégies, qu'il qualifie d'heuristiques, de rapides, de relativement automatiques, que l'individu active sans contrôle tout à fait délibéré, et un système plus laborieux, mais peut-être plus sûr, de stratégie qu'il qualifie d'analytique, contrôlée, attentionnelle. Vous savez, ces choses qui sont devenues tellement automatiques qu'elles sont irrépressibles, et qui conduisent à faire des erreurs. Pour ces généralisations abusives, je peux prendre un exemple dans le registre de l'école primaire. [Viviane BOUYSSE à la table de conférence, revient à l'image, encadrée par les deux autres intervenantes]. Avec ces mots qui paraissent des déclencheurs pour activer certaines résolutions de problèmes. Je vais reprendre l'exemple des mathématiques. Pierre a 7 ans. Il a trois ans de plus que sa sœur. Quel âge à sa sœur ? Le mot plus active l'addition. C'est devenu tellement automatique, certains signes d'automatisation, que l'individu finalement active cela. Et Olivier Houdé insiste sur le fait qu'il y a quelque chose à apprendre, qui renvoie finalement à la méta-cognition, qui est ce troisième système qu'il appelle l'inhibition, le contrôle inhibiteur. [Elle explique toujours le tableau projeté, qui n'est pas, là, à l'image]. C'est aussi quelque chose dont il sera question tout à l'heure, là, j'ai oublié de mettre un astérisque. Au niveau cérébral, la maturation est relativement tardive. C'est quelque chose qui a besoin d'être longuement appris. Mais cela a à voir avec la métacognition.

[Carton de la diapositive suivante, qui reste à l'image plein cadre, pendant qu'on entend la voix de Viviane BOUYSSE qui l'explique]

Modèles issus des courants cognitivistes, suite

2. Réchauffement de la cognition, liens avec l'affectivité

Développement de l'intelligence perçu comme à l'interface entre affectivité et cognition : importance

des interactions initiales entre le bébé et son environnement, notamment co-construction des capacités d'attention dans les situations d'attention conjointe.

Plus largement, liens entre les émotions, l'affectivité et la cognition. Confère Damasio. Relations entre

le système limbique, centre des émotions, et la structure impliquées dans les fonctions exécutives, soit mémoire de travail, gestion de l'attention, planification, inhibition.

Importance de l'expérience métacognitive et affective.

Viviane BOUYSSE :

Je passerai très rapidement sur cet élément-là, mais je voulais tout de même, parce qu'il me semble qu'on ne peut pas le méconnaître, évoquer ce que d'aucuns appellent en plaisantant un peu le réchauffement de la cognition, c'est-à-dire les sciences cognitives, les neurosciences, qui nous renvoient souvent à des phénomènes assez complexes et assez arides du fonctionnement cognitif, et où se mêlent aussi des liens avec l'affectivité. Je crois que de plus en plus, cela n'est pas récent, ce sont les ouvrages de Damasio en France qui avaient développé cela, on insiste sur les liens entre les émotions, l'affectivité et la cognition. Il y a un lien entre, justement, les structures qui sont impliquées dans ce qu'on peut appeler le centre des émotions, et les autres structures qui vont gouverner ce que l'on appelle les fonctions exécutives, c'est-à-dire les fonctions soutien de l'apprentissage : l'attention, la mémoire de travail, la planification, l'inhibition. Et l'anticipation. Ça, j'aurais dû le rajouter sur la diapositive. Rappelez-vous les diapos qu'a montrées Sabine Kahn hier, avec cette petite fille qui anticipait parfaitement, alors que les autres non. C'était un exemple très typique, finalement, de quelque chose que l'on observe fréquemment. [Viviane Bouysse revient à l'image]. Comment je résumerais tout cela ? En disant que ce qui importe, c'est l'expérience à la fois cognitive, métacognitive et affective, que vit l'élève qui apprend. Quand je parle d'expérience, je parle de ce qu'il vit et de ce que ça lui fait. Pardonnez-moi l'expression, parce que je le dis trivialement. Il me semble que dans beaucoup des paroles d'élèves que nous avons entendues hier après-midi, je pense aux premières vidéos sur les EPI, il y avait cette expression, pas aussi directe, mais qui disait bien finalement, l'importance des émotions qu'ils avaient à vivre au travers des formes pédagogiques qu'on leur proposait de vivre justement. [Carton de la même diapositive, qui revient à l'image plein cadre, pendant qu'on entend la voix de Viviane Bouysse]. Cette idée qu'en apprenant, où qu'on apprend, on vit quelque chose qui touche quelque chose d'assez profond. Et on l'a vu avec le rapport littérature-danse, mais on l'a entendu à d'autres moments aussi.

[Carton de la diapositive suivante, qui reste à l'image à la place de Viviane BOUYSSE, qui l'explique].

2. L'activité de l'élève au cœur du problème et de sa résolution

Une articulation possible entre ces connaissances, donc l'activité du sujet.

Ce qu'il importe de parvenir à mobiliser, c'est l'engagement actif de l'élève dans les processus de construction de ses connaissances, c'est la notion de temps fécond, un engagement dans une activité cognitive, non limitée à un agir, non limitée à une exécution de consignes dans des situations sans finalité.

Viviane BOUYSSE :

Alors, qu'est-ce que j'en tire comme conclusion ? Donc c'est le passage à la deuxième partie de mon exposé. Quel que soit le modèle auquel on se réfère, finalement, ce sur quoi nous avons à mettre l'accent et ce que nous avons à rechercher au travers, encore une fois, de n'importe quelle forme pédagogique, je ne présuppose pas qu'il y ait une bonne forme d'ailleurs, c'est cette activité du sujet, cet engagement actif de l'élève dans les processus de construction de ses connaissances. Il y a très longtemps, un spécialiste de la lecture à l'école primaire, insistait sur ce qu'il appelait le temps fécond dans une séance de classe. C'est-à-dire, observons tel élève, durant toute une séance de classe, et essayons de déterminer le temps fécond, pour lui, de cette séance. Le temps durant lequel il s'est concentré, durant lequel il a été vraiment en action mentalement. Ce qui est visé là, c'est cette incontrôlabilité de l'activité cognitive des élèves en situation d'écouter. Qu'est-ce qui se passe quand ils écoutent ? Sont-ils là ? Sont-ils cognitivement présents ? L'engagement dans une activité cognitive, c'est bien pour dire que l'activité cognitive, c'est autre chose que l'agir pur et simple, mais c'est aussi autre chose que l'exécution de consignes. L'activité cognitive, c'est l'activité sur laquelle le sujet a de la responsabilité, d'une certaine façon.

[Carton de la diapositive suivante, directement enchaîné avec la précédente, l'intervenante n'est pas à l'image.]

2.L'activité de l'élève au cœur du problème et de sa résolution

Importance de mécanismes cognitifs clés dont la gestion suppose la coopération d'un enseignant vigilant avec l'élève.

- L'attention intentionnelle et réflexive, présence à soi et à son environnement, versus attention automatique. Classe comme écosystème attentionnel. Yves Citton.

Attention égale à une ressource rare, capacités limitées.

- La structuration [astérisque] soit la problématique de l'organisation en mémoire, cartes sémantiques, réseaux conceptuels, plans, arbres, par exemple.

- Le contrôle métacognitif [astérisque], apprendre à appliquer, procéduraliser, apprendre à transférer, apprendre à intégrer, apprendre à inhiber. Transformation du statut des connaissances et constitution de séquences d'action conditionnelles , mène à la construction des compétences.

Viviane BOUYSSE  :

Il doit opérer des choix, et il doit avoir des guidages. Alors, je reprends autrement ces mécanismes cognitifs qu'il faut pouvoir, d'une certaine façon, aider l'élève à structurer. La gestion de ces mécanismes suppose la coopération d'un enseignant vigilant. C'est cela, l'accompagnement pédagogique. C'est accompagner, finalement, rendre possible et rendre efficace ce fonctionnement-là. L'attention intentionnelle et réflexive, c'est la présence à soi de l'élève, qui n'est pas une attention automatique, qui est en contrôle, qui est lui fait se dire que là, tout d'un coup, il a lâché, il y a quelque chose qui lui a échappé. Un chercheur qui s'appelle Yves Citton vient de produire deux ouvrages à très peu de distance sur l'attention. Il parle de classe comme d'un écosystème attentionnel, avec une analyse très fine de ces réseaux d'attention. L'attention est une ressource rare. J'ai tendance à penser qu'il faudrait que nous pensions une journée de classe comme, si je puis dire, le développement durable de l'attention. Attention, tour à tour, à la manière dont nous la sollicitons. Ce que, je crois, nous ne voyons plus, c'est à quel point des jeunes, des adolescents

qui sont en train d'apprendre sont en permanence sous la pression de cette demande d'attention. C'est souvent toute une journée, qu'ils sont dans cette logique-là. [Viviane BOUYSSE revient à l'image , toujours à la table de conférence, accompagnée des deux autres intervenantes]. Deuxième point important à accompagner,

tout ce qui relève de la structuration. Cela renvoie à la problématique de l'organisation en mémoire. La mémoire fonctionne bien, si je puis dire, si c'est une bibliothèque très bien rangée. Il faut aider à la ranger. [La diapositive du tableau revient seule à l'image]. Des cartes sémantiques, des réseaux conceptuels, des plans, des arbres hiérarchiques, des arbres de connaissance, appelez-le comme vous le voulez, en tout cas, on ne peut pas laisser les élèves ranger tout seuls. Une fois qu'une séquence est finie, comment cette séquence s'intègre dans tout ce qui est déjà là ? Comment je l'organise dans la mémoire ? Comment j'en organise la trace ? Troisième point, le contrôle méta-cognitif. Anne et Sabine Bouveret expliciteront. Ce que je mets là-dedans, c'est qu'une fois qu'on a acquis certaines choses, des connaissances, des savoir-faire, il reste à apprendre à bien les appliquer. De la connaissance déclarative à la connaissance procédurale, il y a tout le temps de la procéduralisation. Comment ces règles d'orthographe, que les élèves savent par cœur, peut-on les leur faire appliquer ? C'est cela, procéduraliser. Apprendre à transférer, à passer de situations simples d'apprentissage à des situations plus complexes, à des situations voisines, ce qui veut dire, mais les matheux le diront mieux que moi, modéliser à certains moments, et apprendre à intégrer. Comment ces choses nouvelles que l'on apprend à tel moment s'agrègent avec les choses que l'on savait déjà ? Comment font-elles système ? [Viviane BOUYSSE revient à l'image , toujours à la table de conférence, accompagnée des deux autres intervenantes]. Comment s'ajoutent-elles ? Comment, finalement, pour construire des compétences, va-t-on tramer cette connaissance nouvelle, ce savoir-faire nouveau, avec toutes les autres avant ? La construction des compétences, c'est rendre les élèves cognitivement conscients qu'ils activent des choses différentes pour répondre de façon valable dans certaines situations. La transformation du statut des connaissances est essentielle.

[Carton de la diapositive suivante, l'intervenante n'est pas à l'image.]

2 - L'activité de l'élève au cœur du problème et de sa résolution

Un problème résistant, faire que l'activité cognitive soit réelle pour

Deux traditions fortes en France auxquels on se heurte, qui sont :

- Le cours magistral, le groupe-classe comme sujet épistémique idéal, la bonne didactique versus les modalités et stratégies de diversification, de différenciation. École inclusive ?

Mais importance de la classe et du faire-classe, co-production de soi et co-construction des savoirs avec d'autres.

- Le travail personnel : l'affaire de chacun hors du cours, depuis longtemps dans le second degré, de plus en plus fréquent en école élémentaire.

Évolutions attendues pour faire exister l'accompagnement pédagogique.

Viviane BOUYSSE :

Le problème le plus résistant, une fois que l'on a dit ça, et je pense que je ne fais qu'activer des choses que vous savez déjà, que vous ne vous dites peut-être pas de cette façon, le problème le plus résistant, me semble-t-il, dans notre système, c'est faire que cette activité cognitive soit réelle pour chaque élève. C'est cela qu'on ne gouverne pas dans la classe. Le système attentionnel de chaque élève. Tout le propos, je vais terminer là-dessus, des modèles de diversification et de différenciation, c'est d'arriver à des stratégies qui vont nous permettre de toucher plus finement chaque élève. On a évidemment des traditions en France qui ne sont pas forcément favorables. Le cours magistral, bien sûr, dont on peut dire beaucoup de choses et beaucoup de choses négatives, mais dont on peut dire aussi beaucoup de choses positives. Je pense en particulier à tous ces travaux sur l'instruction directe. Mais ça ne suffit pas. Ça ne suffit pas de toute façon. Ça n'est pas une condamnation de la classe et du faire classe. [Elle fait référence au tableau]. J'ai noté là les autres aident à la coproduction de soi et à la co-construction de savoir. Et je pense que, pour les adolescents, les autres, qui sont parfois de redoutables ennemis, mais parfois de formidables amis ou des faire-valoir, sont tout à fait essentiels dans le processus d'apprentissage. Donc vous voyez, il y a cette tension vers l'individualisation, mais, en même temps, on apprend avec les autres. On apprend des autres. Et peut-être que la formation aux valeurs est quelque chose qui a à voir avec cela aussi. Et le deuxième travers de notre système, c'est d'avoir fait comme si le travail personnel, c'était ce qui se passe en dehors de la classe ou en dehors du cours. Je dois dire que je regrette personnellement que ce système, dont on a dit pendant longtemps qu'il était celui du second degré, soit de plus en plus fréquent à l'école élémentaire, et j'espère bien que de nouveaux programmes mieux ajustés aux horaires réels de travail des élèves permettront de réintroduire dans la classe plus de travail personnel de l'élève. Chaque fois qu'on le diffère, d'une certaine façon, on ne sait pas à qui ou à quoi on confie ce processus-là. [La diapositive suivante apparaît, c'est un schéma, l'intervenante n'est pas à l'image. Le schéma est composé d'un titre, d'ensembles et de sous-ensembles ronds, de plusieurs couleurs, chacun représentant un élément du système, comme socle commun, programmes, évaluation. L'ensemble principal, intitulé développer l'accompagnement pédagogique, plus gros, est relié par des flèches réciproques aux autres ensembles, à code-couleur].

[Titre]. Des réponses à la diversité des élèves.

Viviane BOUYSSE : [Elle appuie son argumentation sur le schéma sans le décrire]. Alors, les réponses pour parvenir à toucher au mieux chaque élève sont du côté de la recherche, d'une certaine façon, du traitement de la diversité. Je ne vais pas commenter cette diapositive qui est simplement la reprise d'une image que l'on trouve sur Eduscol dans, je ne sais plus si c'est Questions-réponses, mais enfin, dans le dossier collège. Mais je voulais la remettre là pour bien rappeler que tout fait système. Le socle commun, les programmes, le dispositif d'évaluation, et en même temps, tout ce temps long des cycles. Je trouve que ces choses-là sont assez bien exprimées. L'accompagnement personnalisé, les EPI, tous ces éléments-là font système. [Viviane BOUYSSE revient à l'image]. Et le temps de la classe, qui est dans le temps long des cycles, je pense. Diversifier et différencier. Sabine Kahn le disait hier, c'est répondre à la diversité.

[Carton de la diapositive suivante, l'intervenante qui la décrit n'est plus à l'image].

[Titre]

3. Des réponses à la diversité des élèves.

• Diversifier, différencier, c'est égal à répondre à la diversité. De niveaux, de relation au savoir, de relations aux apprentissages, de modalités de fonctionnement cognitif, par exemple.

• Individualiser, personnaliser, c'est égal à accorder une attention à chacun, un regard d'intérêt, pour organiser des cheminements qui prennent en compte des groupes qui ont des besoins identiques ou suffisamment proches. Et non pas assurer des cours particuliers juxtaposés ou se démultiplier comme précepteur.

• Diversifier, différencier, c'est égal à fixer des objectifs. Prendre en compte des obstacles prévisibles, pour enseigner, évaluer ses élèves, analyser les erreurs et les procédures qui y ont conduit, et identifier des , varier les dispositifs didactiques, varier les modalités d'organisation.

Viviane BOUYSSE :

Personnellement, je préfère diversité à hétérogénéité. Mais peu importe. Je dis souvent que la diversité et l'hétérogénéité, d'une certaine façon, c'est le problème et c'est la solution. C'est le poison et le remède, d'une certaine manière. S'il n'y a pas d'hétérogénéité, s'il n'y a pas de diversité dans la classe, il y a un moteur qui manque. Et en même temps, c'est ce qui nous oblige à traiter les choses différemment. Je pense à tous ceux peut-être d'entre vous qui travaillez dans des secteurs de l'éducation prioritaire très difficiles. Le vrai problème, c'est quand il n'y a plus du tout de diversité. C'est bien là où sont les moteurs. Diversifier et différencier, c'est répondre à cette diversité, de niveau d'acquisition, de relation au savoir, de relation aux apprentissages, de modalité des fonctionnements cognitifs. C'est tenter de trouver des réponses. Juste un mot pour dire que, au moins de mon point de vue, je n'engage pas forcément quiconque, je n'engage personne au-delà de moi, identifier cette difficulté qu'ont les enseignants à penser l'individualisation et la personnalisation, nous oblige à leur signifier explicitement que, certes, c'est accorder une attention à chaque élève, à chacun, et là je reprends l'expression d'accorder un regard d'intérêt, ce sont les pédopsychiatres qui parlent comme cela, à chaque élève, que l'élève se sente regardé comme quelqu'un d'intéressant. Mais accorder une attention à chacun pour organiser des cheminements qui prennent en compte des groupes, qui ont des besoins identiques ou suffisamment proches à certains moments. À d'autres moments, on sera complètement dans l'hétérogénéité. Cette idée qu'on ne demande pas aux enseignants d'assurer des cours particuliers juxtaposés. On ne leur demande pas de se démultiplier en précepteur, de chacun de leurs élèves. Il faut penser à chacun, et agir en même temps avec les collectifs ou les petits collectifs que l'on a. Alors, diversifier et différencier, cela suppose toujours que l'on se fixe des objectifs, bien entendu, c'est la moindre des choses, on prend en compte ce que j'ai appelé les obstacles prévisibles pour enseigner. Moi, j'ai l'habitude de parler de besoins génériques en disant qu'il y a des besoins qui sont ceux de tous les élèves. Et que déjà, enseigner pour faire apprendre, c'est avoir pris conscience de ces obstacles, de ces besoins génériques, et l'avoir intégré dans sa préparation. Il y a des problèmes d'apprentissage, des difficultés d'apprentissage, que l'on peut anticiper. La diversification et la différenciation commencent là. Ensuite, évidemment, il y a la problématique de se dire que les élèves que j'ai là, pas les élèves en général, il faut que je les connaisse mieux. Il y a la question de l'évaluation, l'évaluation diagnostic, l'évaluation formative, qui permettent d'analyser les erreurs et les procédures qui y ont conduit. Je reviens à ce qui a été dit hier, soit

ne jamais se focaliser seulement sur les productions, ce qui compte, c'est la procédure, y compris quand les productions sont réussies. Parce que d'une production réussie, on a affaire à quelque chose qui marche bien. Ce n'est pas toujours le cas. Il y a des réponses au hasard, il y a des réponses par imitation, il y a beaucoup de choses. C'est à partir de l'évaluation que l'on identifie les besoins spécifiques. Varier les dispositifs didactiques, varier les modalités d'organisation.

[La diapositive suivante est un tableau de deux colonnes en gros plan, l'intervenante va le décrire, elle n'est toujours pas à l'image Le tableau est écrit ci-après colonne par colonne, dans la logique du texte à l'écran].

3 . Des réponses à la diversité des élèves.

Diversification, différenciation : de la variation à l'adaptation - emprunt ?

Simultanée ou différée

Variation signifie Flexibilité

Classe et sous-groupes

Formules didactiques et pédagogiques variées

Niveaux d'exigence standards dans les programmes

Matériel varié

Adaptation signifie Modification

Élèves avec besoins précisés

Formules didactiques et pédagogiques sur mesure.

Niveaux d'exigence temporairement aménagés

Matériel varié voire adapté

Formalisation, soit projet personnel, plan d'intervention.

Viviane BOUYSSE :

Je vous propose là un tableau que j'emprunte, je ne sais plus vraiment à qui, mais c'est une grosse erreur méthodologique. Mais c'est un tableau que j'ai depuis plusieurs années et qui illustre quelque chose qui me paraît très intéressant. Il illustre finalement ce continuum qui va de la petite variation dans la classe, à la plus grande différenciation. [Viviane BOUYSSE revient en gros plan à l'image]. Vous pourriez l'illustrer par la petite variation que l'on peut introduire dans la classe, jusqu'aux projets, d'une certaine façon pour ces élèves, adaptés en SEGPA, dans les ULIS, les PAP, les PAI, les PPS, notamment, qui font partie aussi du commun du collège. Qu'est-ce que cela nous dit ? Cela nous dit qu'a minima, la variation est du côté de la souplesse, de la flexibilité du fonctionnement de la classe, la classe, les sous-groupes, de la variation dans les formules didactiques et pédagogiques, pas le même régime tout le temps, des niveaux d'exigence qui restent standard, la même chose pour tout le monde, mais le matériel peut être varié. [Le tableau commenté revient en gros plan à l'image, elle, n'y est plus]. Alors que plus on va vers l'adaptation, jusqu'aux besoins éducatifs particuliers, plus on va vers de la modification de ce qui fait substantiellement l'enseignement. On va regarder les besoins précis des élèves. On va penser à certains moments à du sur mesure. On va être autorisés à aménager, au moins temporairement, les niveaux d'exigence. Je dis bien, au moins temporairement, parce qu'il y a des élèves pour qui ça va durer. Je pense à l'intégration d'un élève trisomique au collège, à l'inclusion, pardon, d'un élève trisomique au collège. Je n'irai pas avec lui jusqu'au bout. L'essentiel, c'est de le maintenir dans un processus d'apprentissage et de progrès permanents, fût-ce de tout petits progrès. Mais il faut que cela avance. Un matériel varié, voire adapté, et une formalisation dans les projets. [Viviane BOUYSSE revient à l'image]. On revoit la liste de ces projets dans l'annexe à l'arrêté sur l'évaluation. On peut dire, je me tourne vers les responsables du bureau des collèges, il y en a quand même, c'est impressionnant, les PAP, les PAI, les PPS, les PPRE, et ainsi de suite, et on voit bien que le système a développé ces formules-là. Le problème est de se demander à quel moment on est dans quelque chose de particulier. Et entre la classe de Cinquième ordinaire, pardonnez-moi le qualificatif, et la Cinquième de SEGPA, à quel moment on est dans du particulier. Mais en même temps, il y a quelque chose de continu. Il y a une même intention, il y a une même, si je puis dire, philosophie éducative. [Elle lance via l'ordinateur un nouveau tableau qui n'est pas l'image pour le moment]. Je ne commenterai pas longuement ce tableau, qui est un résumé de ce que vous savez.

[Le tableau suivant est lui composé de quatre parties, il est en gros plan, l'intervenante n'est plus à l'image. Le tableau est écrit ci-après, partie par partie, de gauche à droite, dans la logique du texte à l'écran.]

3 . Des réponses à la diversité des élèves.

Différenciation, soit combinaison possible de 4 familles de variables.

- Par les CONTENUS, connaissances, jeu des variables didactiques. Tâches, support et consignes. Ressources.

- Par les PROCESSUS, rôle de l'enseignant. Méthodes, une approche inductive instruction directe par exemple. Réinvestissement, transfert. Reprise, soutien ainsi que Consolidation, approfondissement, et aussi Anticipation.

- Par l'ORGANISATION, Variable Variable Groupements. Variable Espaces et Ressources matérielles.

- Par les PRODUCTIONS, Écrits avec formes variées. Oral, avec ou sans médium. Autres, comme représentations graphiques ou multimédia ou productions artistiques, par exemple.

Viviane BOUYSSE :

La différenciation se construit par combinaisons possibles de familles de variables assez nombreuses. On peut différencier, par les contenus, si je puis dire, à production constante, on peut différencier par les processus, on peut différencier par les productions. Et j'ai bien aimé qu'on ait, hier, en particulier dans les illustrations des EPI, d'autres formes que la forme écrite ou orale. Je pense à la danse, aux productions multimédias ou numériques que nous avons entraperçues hier. C'est-à-dire que la variété qui est en jeu est immense. L'essentiel, c'est de tisser et de trouver les bons tressages de variables à un certain moment. Je voudrais juste accorder un tout petit peu d'attention à la variable temps, pour dire que la problématique des cycles amène à réétudier cette variable fondamentale pour l'enseignement de façon particulière. Qu'est-ce qu'exploiter à plein la logique curriculaire sur un cycle ? Attention, je le dis, parce que l'expérience que nous avons des cycles dans l'enseignement primaire depuis plus de 20 ans, nous rend attentifs à cela. Le cycle donne du temps. Le cycle ne donne pas l'autorisation d'en perdre. Et ce n'est pas parce que nous attendrions une hypothétique maturité ou le moment M où ils seront prêts pour commencer quelque chose que nous aurons bien exploité le cycle. Le cycle, si je puis dire, ne nous autorise pas à différer, mais par contre, nous autorise à avoir plus de temps pour installer plus durablement certains apprentissages. Ce sont les boucles de retour, c'est tout cela. Mais dans la variable temps, il y a aussi un élément, sur lequel, je pense, vous avez commencé, en tout cas dans les collèges, à réfléchir, c'est le temps d'une séance. Je dis spontanément quel est mon point de vue. Les séances très courtes, pour moi, une heure, moins d'une heure, c'est très court, ne sont pas forcément les plus favorables à ces actions de différenciation. [Le tableau disparaît, Viviane BOUYSSE revient à l'image]. Il me semble, et nous l'avons entendu hier, sur les emplois du temps, le fait de libérer une plage de deux heures ou de je ne sais quoi pour permettre des choses, qu'une heure c'est peu. La persévérance dans cette unité-là est, à mon avis, quelque chose qui freinera les possibilités de différenciation. Je m'achemine vers la fin, mais je souhaite intervenir sur cet aspect qui est que faire apprendre, c'est savoir mettre en œuvre une relation d'aide. Et quand je parle de relation d'aide, je ne pense pas simplement aux élèves en difficulté.

[Le tableau suivant est à l'image. Il s'agît d'une liste. Viviane BOUYSSE la commente très précisément, off].

3 . Des réponses à la diversité des élèves.

Faire apprendre, c'est savoir mettre en œuvre une relation d'aide.

• Importance de pauses méta-cognitives [astérisque], pour prendre de la distance, refaire en pensée le chemin, prendre conscience des réussites comme des échecs, en identifier les causes.

• Importance d'entretiens qui se distinguent du dialogue didactique traditionnel, des échanges qui conduisent l'élève à ré-exercer du contrôle sur son travail, à lier stratégies et résultats, à donner du sens à ses efforts.

• L'Objectif, c'est construire en situation scolaire, une relation de confiance et d'encouragement, donc bienveillance. L'ordinaire de la classe ne doit pas être discordant par rapport aux moments d'aide.

Savoir étayer et savoir, entre guillemets, desétayer, car la réussite assistée n'est pas la réussite. La Phrase clé étant égale à réduction progressive des aides pour aboutir à la réussite autonome. Du temps. Exploiter le cycle.

Viviane BOUYSSE :

Il est important que nos élèves, et, je le dis, dès l'école maternelle, soient dans cette conviction qu'ils sont à l'école parce que c'est un lieu où il y a des gens qui sont là pour les aider à apprendre. On n'apprend pas tout seul, on a besoin de médiation. Dans ces stratégies d'aide, j'inclus ces temps de pauses méta-cognitives pour les élèves. Je crois qu'il y a des moments où il faut que quelque chose soit suspendu, que ça s'arrête, et qu'on fasse silence pour penser. Prendre de la distance, refaire en pensée le chemin que l'on a fait matériellement, concrètement. [Viviane BOUYSSE revient à l'image]. Prendre conscience de ses réussites et de ses échecs, en identifier les causes. J'ai entendu parler de journal d'apprentissage hier après-midi. Il y a des manières différentes de le concevoir. Mais cette idée qu'on revient sur soi d'une certaine façon. Mais quand on est un élève et un peu en panne de temps en temps, ça va pas suffire, on ne va pas le faire tout seul. On va pas aller au bout tout seul. Et c'est là qu'il importe qu'il y ait des temps d'entretien. Ce que j'appelle l'entretien avec les élèves, ce n'est pas le dialogue didactique traditionnel, puisqu'il y a de l'entretien dans toutes les classes, mais ce sont ces échanges qui permettent aux élèves de grandir face à leur incertitude, si je puis dire, d'exercer du contrôle sur leur travail, de bien relier les stratégies qu'ils ont mises en œuvre aux résultats qu'ils ont obtenus. En gros, c'est donner du sens à leurs efforts. Comprendre ce qu'il me reste à faire, comment je peux le faire, mais savoir que j'ai un objectif atteignable, à portée. Une relation de confiance, une relation d'encouragement, c'est sans doute tout le sens de la bienveillance à l'école. Alors, évidemment, il ne faudrait pas que ces temps-là, de confiance, d'encouragement, de bienveillance, d'entretien bienveillant, soient réservés à l'accompagnement personnalisé ou à l'EPI. Si c'est totalement discordant avec le reste de l'enseignement, le jeu sera vite déjoué par l'élève. C'est-à-dire que c'est un état d'esprit à installer. Mais pour installer cet état d'esprit, il faut faire tomber certains autres obstacles, et en particulier la question du temps, à mon avis. Savoir aider, certains disent, de manière technique, savoir étayer, savoir soutenir. Quand quelque chose a besoin d'être étayé, c'est que ça ne peut pas tenir debout tout seul. Donc il y a un moment où il faut étayer. Puis, il y a un moment où il faut désétayer. Et c'est aussi un peu la difficulté avec les élèves les plus en difficulté. Il me semble qu'on commence à savoir bien faire cet étayage-là. Le problème, c'est de se donner le temps de les faire travailler, de les laisser travailler par eux-mêmes, en enlevant progressivement les aides qu'on a installées. On n'enlève pas tout d'un coup et puis, l'édifice s'écroule. Mais ce que l'on vise, c'est tout de même la réussite autonome. Ce n'est pas seulement la réussite avec de l'aide.

[La projection suivante est un tableau de deux colonnes en gros plan, l'intervenante va le décrire, elle n'est plus à l'image. Le tableau est écrit ci-après colonne par colonne, dans la logique du texte à l'écran].

3 . Des réponses à la diversité des élèves.

Processus d'étayage, d'après M. CRAHAY, Psychologie de l'éducation, Presses Universitaires de France, 1999, page 330.

Approche Bruner

Enrôlement, maintien de l'orientation vers le but.

Signalisation des caractéristiques déterminantes.

Réduction des degrés de liberté, soit simplifier ou prendre en charge certains aspects du travail.

Démonstration. Présentation de modèles.

Approche Cognitivisme

Valoriser les buts d'apprentissage.

Donner des indices de structuration.

Éviter la surcharge cognitive. Proposer des modèles à mi-chemin entre la représentation du novice et celle de l'expert.

Éviter les phénomènes de résignation apprise.

Expliquer les quoi, pourquoi, quand et comment des stratégies à construire.

Viviane BOUYSSE :

Je laisserai mon diaporama, bien évidemment, à la disposition de tout le monde. Je voulais résumer sur cette diapositive le processus l'étayage vu par Bruner, vu par le courant cognitiviste pour bien montrer qu'il n'y a pas aujourd'hui, dans les travaux des fondamentaux en psychologie, d'opposition. On parle d'aide et d'étayage chez Bruner, je pense que c'est lui qui a introduit le terme, avec certaines fonctions dans l'étayage. Bruner en relevait traditionnellement sept. J'en ai conservé ici cinq en compactant certaines choses, dont le maintien de l'orientation vers le but. Je pense que vous les connaissez. Mais les cognitivistes disent la même chose. Que pour aider un élève à apprendre, il faut expliciter les buts d'apprentissage, qu'il faut donner des indices de structuration, qu'il faut éviter la surcharge cognitive. On peut passer d'un langage à l'autre, si vous voulez, il y a une équivalence.

[À l'image s'enchaîne la diapo suivante. Il s'agît d'une liste de conclusions. Viviane BOUYSSE la lit et la commente précisément. Elle n'est pas à l'image].

En guise de conclusion, des points de vigilance.

Nos références : les élèves sont souvent implicitement comparés à l'élève idéal.. Déception inévitable. L'échelle d'évaluation est à 4 niveaux, un outil à prendre en compte.

Variations dans les variations. Attention, en s'ajustant aux caractéristiques des élèves, à ne pas pratiquer des traitements différenciateurs qui accroissent les écarts.

Attention en particulier au surajustement didactique qui risque de simplifier voire de mécaniser les tâches pour obtenir des réussites.

Articulation de l'organisationnel et du pédagogique. L'accord entre adultes ne doit pas se faire au détriment de la prise en compte des besoins réels des élèves.

Positionnement des inspecteurs en accompagnement, penser avec, autoriser, donner envie, essaimer.

Viviane BOUYSSE :

Je vous laisserai sur ces cinq points de vigilance. Ce sont des petits cailloux que je sème comme cela. Être vigilant quant à nos références. Les élèves sont souvent implicitement comparés à l'élève idéal. Et il ne peut s'ensuivre qu'une sorte de déception. De ce point de vue, je trouve très importante l'idée de l'échelle à quatre niveaux pour l'évaluation. Alors, ce n'est pas quelque chose qui va être permanent dans la tête de tout le monde. Je ne vais pas être sans arrêt en train de les positionner sur une échelle à quatre niveaux. Mais c'est cette idée qu'au fond, ce pour quoi on travaille, c'est évidemment pour que le maximum d'élèves atteigne le niveau remarquable, mais c'est surtout pour que tous les élèves atteignent le niveau satisfaisant. Et c'est à ce niveau 3 là de l'échelle, d'une certaine façon, qu'il va falloir rapporter les performances des uns ou des autres. Cette idée qu'au fond, l'idéal n'est pas la norme. Le deuxième point, ce sont les variations dans les variations. Cela renvoie à ce que disait Sabine Kahn hier. En s'ajustant aux caractéristiques des élèves, on peut pratiquer des traitements différenciateurs qui accroissent les écarts. Je crois que tous les sociologues, tous les sociolinguistes ou les sociocognitifs sont d'accord sur cette question-là. L'ajustement, c'est temporaire. Il ne faut pas oublier l'objectif. Le détour ne doit pas nous éloigner définitivement de la cible terminale. Troisième point. Attention, en particulier dans ce cadre-là, à ce que certains chercheurs, je pense à Roland Goigoux, Sylvie Cèbe et Élisabeth Gauthier, appellent le surajustement didactique. On veut tellement aider, en particulier les plus faibles, qu'on parcellise les tâches, on finit par les simplifier, voire par les mécaniser. Au bout du compte, ils n'apprennent pas la même chose. Quatrième point : l'articulation de l'organisationnel et du pédagogique. Nous avons utilisé l'expression hier, à plusieurs reprises, nous l'avons rappelé, elle est dans le décret. Ce qui compte, ce sont les besoins des élèves. Et l'accord entre les adultes, dont on ne peut pas non plus ne pas se soucier quand on organise un emploi du temps, quand on organise le travail, ne doit pas se faire au détriment d'une prise en compte des besoins réels des élèves. Et le dernier point, puisque je sais que nous sommes un certain nombre d'inspecteurs dans cette salle, et là je dis nous, nous sommes dans un moment de portage d'une réforme qui est complexe, qui va demander du temps. Il faut permettre à tous

d'intégrer les choses, d'entrer dans les changements en percevant que l'identité professionnelle n'est pas menacée. Je pense même, quant à moi, si je puis dire, qu'elle est exaucée, renforcée par cette réforme. Mais il faut le temps, je cherche le terme, d'en convaincre peut-être tout le monde. Ce positionnement des inspecteurs, il me semble qu'il est aujourd'hui du côté de que j'appellerais le penser avec les collègues. On ne pense pas à la place de, on ne pense pas contre, on est dans un moment trop sensible. On pense avec, on autorise. On n'avance pas sans prendre le risque de faire quelques erreurs. Le rôle de l'inspecteur, c'est d'éviter que les enseignants persévèrent dans les erreurs qui peuvent nuire aux élèves. Mais on ne peut pas

empêcher l'erreur. Donner envie. Et puis essaimer. C'est notre grande chance, finalement. Nous ne savons pas plus de choses que les autres, mais nous en voyons plus. Et donc nous pouvons donner un écho à ces choses que nous observons. Voilà, chers collègues, je vous laisse aux bons soins des deux mathématiciennes.

[L'audience applaudit longuement, Viviane BOUYSSE et Anne BURBAN échangent leur place à la table de conférence, Sabine BOUVERET à leurs côtés. Il y a un court moment de silence pendant qu'elles s'installent].

[Le présentoir de la nouvelle intervenante est à l'image et plus gros plan lorsqu'elle débute son intervention].

Anne BURBAN

IGEN

MENESR

Anne BURBAN :

Après la présentation du cadre théorique qui vient de vous être faite par Viviane, nous nous proposons, Sabine Bouveret, que je remercie vraiment très chaleureusement pour son appui aujourd'hui, et moi-même, nous allons voir comment les aspects généraux et théoriques vont pouvoir être transcrits déjà à l'intérieur d'une discipline puisque même s'il n'est pas question de limiter l'accompagnement pédagogique des élèves aux temps et aux dispositifs d'accompagnement personnalisé, il n'en reste pas moins que cet accompagnement personnalisé est bien présent, que c'est un des points qui ont été présentés comme phares de la réforme. Et donc il s'agira de voir comment il peut permettre, à travers une discipline, de mettre en œuvre tout ce que Viviane a présenté. Alors, certainement pas tout pour ce qui est de notre présentation conjointe, mais en tout cas, nous avons retenu un certain nombre de points que nous allons illustrer à la fois par la question de savoir ce que donnent, dans l'exemple d'une discipline, et vous m'excuserez de revenir un petit peu souvent sur la mienne, les mathématiques.

[Carton titre à l'image].

Apprendre à apprendre à travers un enseignement disciplinaire

Sabine Bouveret, professeur de mathématiques

Anne Burban, IGEN, groupe de mathématiques

[Logo] RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

ESENSR 22 janvier 2016

Anne BURBAN :

Mais nous avons essayé de retenir, en tout cas, des aspects qui nous semblent tout à fait transposables. Et, grâce à madame Bouveret, nous allons même rentrer à l'intérieur de sa classe, à l'intérieur de ce qu'elle fait déjà et de ce que font déjà ses élèves. Elle vous présentera des dispositifs qu'elle met en œuvre depuis plusieurs années et des travaux de ses élèves. [Les 3 intervenante reviennent à l'image. Puis elle seule]. Donc c'est un petit peu cela. Alors, évidemment, ce n'est pas exhaustif. Nous avons dû faire des choix. Et les choix que nous avons faits sont d'abord celui du travail sur l'erreur. L'erreur a une place et un rôle majeur dans l'apprentissage, dans toutes les disciplines, mais peut-être qu'en mathématiques, il y a une coloration tout à fait particulière. Les erreurs, les fautes de calcul sont quelquefois restées très prégnantes dans la mémoire des individus et même dans une certaine mémoire collective, dirais-je.

[Début du diaporama, liste en gros plan, elle n'est plus à l'image].

Exemples de stratégies cognitives et méta-cognitives

Repérer et traiteur les erreurs.

Automatiser des connaissances, déclaratives, procédurales, conditionnelles.

[Plus tard, dans cette explication, apparaissent des éléments au fur et à mesure]

Hiérarchiser, classifier, organiser.

Résoudre des problèmes.

Anne BURBAN :

Un deuxième point, c'est ce point d'automatisation sur lequel nous reviendrons et que nous illustrerons à travers l'automatisation de connaissances déclaratives, notamment. Je prends des exemples en mathématiques. Une connaissance déclarative, c'est par exemple la connaissance d'une définition, celle d'un théorème. Une connaissance procédurale, c'est une manière de faire. C'est se demander comment je fais une construction géométrique. Et une connaissance conditionnelle, qui intervient plus particulièrement dans des processus de résolution de problèmes. Des automatisations qui répondent à la question : à quel moment, dans quelle situation, est- ce que je vais chercher telle ou telle connaissance, qu'elle soit déclarative ou procédurale ? Et pour le dernier point, nous reviendrons sur ce que Viviane a défini comme étant la structuration et nous insisterons à la fois sur la hiérarchisation de ces connaissances, sur leur classification et aussi sur ce que les didacticiens appellent leur ancrage sur des connaissances nouvelles. Nous verrons comment elles s'agrègent, comment quelquefois elles viennent en rupture, et ces ruptures sont nécessaires aux apprentissages. Et puis, nous nous intéresserons particulièrement à la fois aux stades cognitif et méta-cognitif de la résolution de problèmes. Sachant que résoudre des problèmes, c'est une activité caractéristique des mathématiques. Il était même écrit dans le préambule du programme actuellement en vigueur que faire des mathématiques, c'était résoudre des problèmes. Mais bien évidemment, cela dépasse très largement le cadre de la discipline. Et on entre là aussi dans le développement de compétences transversales, qui sont à la fois la recherche d'information, le choix, la construction et la mise en œuvre de stratégies mentales et puis des démarches de contrôle pour essayer justement de comparer les résultats obtenus avec un modèle, avec la réalité, pour faire preuve d'esprit critique et être amené aussi à communiquer les résultats obtenus. Donc on voit bien là que la seule résolution de problèmes est une activité, un apprentissage, et donc il nécessite aussi un enseignement qui répond, qui fait écho à tous les domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

[Le diaporama continue. Les lignes s'affichent au fur et à mesure des points abordés par l'intervenante, qui elle, n'est pas à l'image].

Place et rôle de l'erreur

- Faute, erreur, obstacle

[puis]

- Repérage des erreurs, génériques et spécifiques.

[puis]

0,4 X 0,4 = 0,16

[puis]

0,3 X 0,2 = 0,6

[puis]

et de leur origine, épistémologique, didactique, ou particulière.

[puis]

Comment ?

- Explicitation de la démarche

[puis, flèche] Narration de la recherche

Anne BURBAN :

Pour ce qui est de la place et du rôle de l'erreur, dans un premier temps, il convient de distinguer trois choses. La faute, l'erreur et l'obstacle. La faute, bien évidemment, ramène consciemment ou inconsciemment à une dimension moralisante. Et là, c'est un point dont il faut absolument se départir. Mais on parle aussi de faute, on parle de faute d'orthographe ou on parle de faute de calcul, qui, pour l'élève, peut effectivement revêtir ce côté moralisant. Mais en revanche, la faute porte sur le résultat atteint, qui est faux, qui n'est pas juste. C'est différent de l'erreur. Parce que l'erreur remonte bien davantage au processus qui a conduit à la production de ce résultat, qui n'est pas en accord avec la norme. Et puis, il y a la notion d'obstacle. Que cela soient des obstacles épistémologiques au sens de Gaston Bachelard, qui sont des obstacles consécutifs d'une création scientifique. La science s'est construite peu à peu par rapport à des insuffisances de modèles précédents. Et cette notion d'obstacle, sans aller aussi loin, c'est simplement, si je m'y réfère, pour montrer qu'il y a des erreurs qu'il faut commettre pour être en capacité de comprendre. [Anne BURBAN revient à l'image]. Et donc, j'irai même jusqu'à dire qu'il faut que certaines erreurs soient provoquées par l'enseignant, de manière à ce que l'élève en prenne conscience et soit capable de les franchir, de les intégrer, pour progresser. Alors, ces erreurs, évidemment, il est nécessaire, d'abord pour l'enseignant, de les repérer, et, au niveau méta-cognitif, il est aussi nécessaire que l'élève apprenne lui-même à repérer ses propres erreurs. [La rétro-projection revient en gros plan à l'image, la ligne du point abordé s'ajoute]. Alors là, je reprendrai deux termes qui ont été signalés par Viviane. Parmi les erreurs, il y a des erreurs génériques et il y a des erreurs spécifiques. Et le repérage ne se fait pas le même selon que ces erreurs relèvent de l'une ou l'autre des catégories. [Anne BURBAN revient à l'image]. Les erreurs génériques sont connues des enseignants. Ils les repèrent facilement. Je vais vous donner des exemples et je vais vous demander une deuxième fois d'activer votre mémoire. Je m'excuse, je prends des mathématiques. Écoutez bien. [Les formules d'exemple s'ajoutent au moment où elles sont citées, sur la rétro-projection qui est de nouveau à l'image]. Zéro virgule 4 fois zéro virgule 4, c'est égal à zéro virgule 16. Je pense que tout le monde est d'accord. Mais je fais le calcul de la manière suivante : Zéro fois zéro, donne zéro. 4 fois 4 donnent 16. La virgule entre les deux. L'élève qui obtient zéro virgule 16 a le résultat juste. Mais la démarche est totalement erronée. D'accord ? Zéro virgule 3 fois zéro virgule 2, si je fais la même chose, zéro fois zéro égal zéro et 3 fois 2 égal 6. Et là, c'est faux. [Elle revient à l'image]. Donc on voit là que le choix des situations, et j'y reviendrai sur ma dernière diapositive, quand je ferai référence à l'utilisation d'outils numériques, d'exerciseurs. Vous n'oublierez pas cet exemple à ce moment-là. Mais vous voyez donc sur cet exemple très simple que le seul résultat obtenu par l'élève est totalement insuffisant pour arriver à identifier le processus, et d'ailleurs toute la construction d'où vient l'origine de cette erreur. Alors justement, l'origine de l'erreur, les origines sont variées. Il y a des erreurs

d'origine épistémologique qui sont constitutives justement de la construction même du savoir. Didactique, alors ça, c'est très important. [Le tableau revient à l'image, avec un ajout]. Sans le vouloir, pour l'enseignant, et sans le savoir, pour l'élève, il y a des situations didactiques qui portent en elles-mêmes des germes d'erreur. Je reprends un exemple, mais cette fois je l'emprunte à la géométrie. La représentation des droites perpendiculaires en mathématiques est souvent faite par une droite verticale qui vient tiquer une horizontale. Et pour les élèves, la perpendicularité est alors indélébilement associée à l'horizontale et à la verticale. Un rectangle.

[Elle revient à l'image et fait les gestes liés à sa démonstration]. Quand on présente les rectangles aux élèves de l'école élémentaire, les rectangles ont quasiment tous toujours la même forme, et le rapport entre la longueur et la largeur est toujours à peu près le même. Et les élèves construisent comme cela une conception erronée, une représentation fausse. Si vous leur présentez une bande de papier très longue et très peu large, pour eux, ce n'est plus un rectangle. Il y a vraiment et c'est ce que les didacticiens appellent des conceptions, des représentations erronées des élèves. Et donc là, on voit très bien que certaines présentations de situations peuvent engendrer des erreurs qui sont longues et difficiles à déconstruire pour arriver justement à reconstruire à partir d'elles. Et nous en viendrons après à des erreurs particulières, et je laisserai à Sabine Bouveret le soin d'en commenter une, commise justement par l'une de ses élèves.[Le tableau revient à l'image, avec un ajout]. Comment repérer ces erreurs ? Un point essentiel, si j'en reviens à zéro virgule 4 fois zéro virgule 4, c'est égal à zéro virgule 16, c'est bien sûr ce travail d'explicitation de la démarche. Il faut que l'élève arrive à déplier sa pensée, à expliciter le processus mental qu'il a mis en œuvre. [Une ligne liée au propos qui suit s'ajoute au tableau qui reste à l'image]. Alors, des outils pour le faire, il y en a, qui sont connus, je passerai très brièvement sur un procédé, qui s'appelle la narration de recherche, qui a été extrêmement utilisé par certaines écoles de didactique mathématique et qui consistait à demander aux élèves en situation de résolution d'un problème, quel qu'il soit, de dire, d'expliciter tout ce qu'ils font. [Elle revient à l'image]. À quoi ils pensent, pourquoi, leurs erreurs, pourquoi ils reviennent en arrière, comment ils continuent, ce genre de choses. C'est une démarche certainement extrêmement fructueuse mais extrêmement chronophage aussi. Et cette narration de recherche, qui est en plus un travail écrit, donc qui pose aussi le problème du passage par l'écrit pour certains élèves pour lesquels c'est une source de difficulté, peut être remplacée par des entretiens d'explicitation. Un entretien avec le professeur qui, par son expertise, est capable justement d'aider l'élève à déplier sa pensée. Et puis, grâce à des moyens technologiques nouveaux, il y a aussi des systèmes d'enregistrement audio, et là je laisse la parole à Sabine pour nous décrire sa façon, cette pratique, sa façon de faire là-dessus.

Sabine BOUVERET :

Donc, des enregistrements audio, cela veut dire que les élèves peuvent, dans le cadre d'un travail par petits groupes, enregistrer leur démarche, à l'aide d'un M.P.3 ou d'une tablette, peu importe, et, comme l'a dit Anne Burban, cela permet d'expliciter sa démarche, de déplier sa pensée. Cela permet à l'enseignant d'avoir un regard plus fin sur les erreurs des élèves. Voici un exemple tout simple. Moins 8, plus, moins 7, l'élève répond plus 15, et je lui demande d'expliciter sa démarche à l'oral. Elle me dit qu'elle utilise la règle du cours.

On garde le signe commun aux deux nombres. Ce sont deux nombres négatifs, donc leur signe commun est le moins.

[L'exemple apparaît écrit, via le diaporama, l'intervenante n'est plus à l'image].

(-8) + (-7) = + 15

La règle du cours.

On garde le signe commun aux deux nombres.

Sabine BOUVERET :

Mais pour elle, le signe commun des deux nombres, c'est le signe qui est en commun aux deux nombres, comme le mur qui serait commun à deux maisons. Et donc pour elle, le signe commun, c'est celui qui est au milieu des deux nombres, c'est le plus. Si on n'a pas l'explication orale de cette élève, on ne comprend pas d'où vient l'erreur, ou on peut l'attribuer à d'autres choses. Donc on a un regard beaucoup plus fin sur l'erreur. Cela permet aussi à l'enseignant d'avoir un retour sur ses pratiques. Est-ce que cette règle-là que je donne aux élèves, je n'ai pas à l'expliciter davantage ensuite pour éviter ce genre d'erreur et éviter ce malentendu, quelque part ? Alors, le fait d'expliquer sa démarche à l'oral permet de revenir sur l'erreur. Cela permet aussi, quand l'explicitation est tout à fait pertinente, de conserver cette trace orale pour toute la classe en la déposant sur un établissement numérique, sur un blog ou sur une clé USB pour les élèves, qui leur permet d'avoir ce complément oral, en plus de l'écrit qui figure sur leur cahier. Donc ça, cela peut être un temps d'AP. Et puis, cela permet autre chose. L'oral dans la classe est soumis au rythme de la classe et de l'enseignant. D'avoir ce complément oral à disposition, on peut faire pause à la maison. On peut prendre le temps de réécouter les choses à sa guise et à son rythme.

Anne BURBAN :

Alors, un terme est très souvent associé à l'erreur, celui de re, tiret, tiret, médiation. C'est de façon volontaire que j'ai séparé le re et le mot médiation, d'un trait d'union. Parce que remédiation en un seul mot est trop souvent associé au mot remède. Comme si remédier, c'était apporter un remède à une erreur, sous-entendant que chaque erreur a un remède qui permettra justement de la corriger. Malheureusement, ce n'est pas comme cela que ça marche. Les erreurs sont souvent constituées en réseau, et la re,tiret,médiation, n'est pas l'apport d'un remède mais plutôt une nouvelle médiation. Et c'est donc l'enseignant qui va apporter une nouvelle médiation entre l'élève et le savoir, si ce savoir n'a pas été construit et acquis correctement à l'issue d'une première présentation. Donc, le fait que cette re, tiret, médiation, soit une médiation nouvelle pose la question justement de la forme de la nouveauté. Et trop souvent, c'est en répétant des exercices ou des situations qui sont en fait très proches de la situation d'introduction, c'est souvent de cette manière que les enseignants s'imaginent qu'ils peuvent corriger, remédier, aux erreurs. Et en fait, au contraire, c'est par un détour de cette présentation initiale, si elle n'a pas pu aboutir à l'objectif escompté, c'est par un détour, et le détour peut se faire de beaucoup de manières différentes. Un retour au sens. Je reviens à l'exemple de tout à l'heure : zéro fois 3 fois zéro virgule 2.

[Nouvelle diapo, via le diaporama, sur son propos, où s'afficheront au fur et à mesure des lignes correspondantes. Là, l'intervenante n'est plus à l'image].

Re, tiret, médiation

Retour au sens, déconstruction des conceptions erronées, changement de contexte, de registre, de cadre.

[puis]

Modification des représentations de l'élève, contrat didactique, mémoire d'expériences antérieures.

[puis]

• Stratégies méta-cognitives, contrôle et régulation.

• Outils

[une flèche] Journal d'erreurs et de progrès.

Anne BURBAN :

L'élève qui faisait séparément zéro fois zéro et 3 fois 2. C'est vraiment en revenant au sens. Zéro virgule 3, c'est trois dixièmes. Zéro virgule 2, c'est deux dixièmes. L'application d'un dixième, à quoi ça correspond ? De le présenter avec des dessins, une bande de papier d'une unité partagée en 10, que les dixièmes multipliés par les dixièmes vont donner des centièmes, représentés par un carré délimité. On voit bien là le changement qui doit toujours être un changement de contexte si la première présentation a échoué dans son objectif. Il s'agit vraiment de changer au moins de contexte, mais aussi de registre et de cadre. C'est-à-dire passer d'un registre qui est un registre d'un langage formel ou symbolique. [Elle revient à l'image]. Cela arrive très souvent en mathématiques, ne serait-ce qu'au niveau des nombres, qui sont déjà des symboles pour les élèves, de passer à un registre de représentation graphique, d'explicitation par le langage courant. Mais c'est vraiment cette diversification et ce retour à des contextes différents d'explication, adaptés, justement, au processus d'erreur que le professeur aura pu identifier à l'aide des stratégies que nous avons présentées. Alors il s'agit aussi très souvent, pour re, tiret, médier, de modifier les représentations des élèves. Alors, qu'est-ce que cela veut dire, modifier les représentations des élèves ? Très souvent, une erreur est due à ce que l'élève applique une situation ou un résultat qui était juste dans un certain domaine de validité mais qui ne l'est plus quand le domaine s'élargit. [Le tableau revient en gros plan à la place de l'intervenante, avec une ligne supplémentaire liée à son propos]. Et c'est là qu'il est très difficile justement de faire comprendre aux élèves qu'on a changé de contexte, que le domaine s'est élargi, et que la règle ne s'applique plus.[Elle revient à l'image]. Et là, cela interroge à la fois sur le statut de ces règles, qui souvent sont intégrées par les élèves, et surtout lorsqu'elles sont automatisées, sans référence à leur cadre de validité. Et il devient du coup extrêmement difficile de faire comprendre que dans un système élargi, dans un contexte plus vaste, il n'est plus possible de l'appliquer. Je l'illustre sur l'exemple : chez les nombres entiers, multiplier par 10, c'est rajouter un zéro à droite. Cette règle, bien évidemment, fonctionne parfaitement dans le cadre des nombres entiers, mais ne s'applique plus dans le cadre des nombres décimaux. Donc intégrer systématiquement le domaine de validité et revenir, pour les élèves pour qui, lorsque le seul domaine sur lequel ils travaillaient était évidemment celui dans lequel tout était valable, de bien montrer justement qu'il y a là des limites à savoir respecter. Et puis d'autre part, le contrat didactique. Le contrat didactique, c'est en fait ce que l'élève s'imagine qui est attendu de la part de l'enseignant. Et très souvent, pour l'élève, ce qui est attendu, c'est un résultat, une production. Viviane a parlé tout à l'heure d'indice déclencheur. Vous connaissez tous l'exemple didactique de Stella Baruk qui s'appelle l'âge du capitaine. Le capitaine transporte dans son bateau des chèvres et des moutons, il y a 40 chèvres et 25 moutons, quel est l'âge du capitaine ? L'indice déclencheur, c'est qu'il y a deux nombres. 25, et je ne sais plus ce que j'ai dit, 40. Éh bien l'enseignant attend l'addition des deux, pour un élève. Et donc, modifier ce que l'élève s'imagine qui est attendu dans une situation est certainement aussi quelque chose qui peut éviter des erreurs qui sont des erreurs dues à trop de précipitation, parce que l'élève s'imagine que quelque chose est attendu de manière immédiate, et ne prend pas le temps de la réflexion, de l'identification justement du problème et des processus. Il y a un autre point sur les représentations, c'est la mémoire d'expériences antérieures, et surtout lorsque ces mémoires ont été douloureuses. Je prends un exemple. Une situation de proportionnalité qu'un élève reconnaît. Ils savent reconnaître des situations de proportionnalité. Un élève qui a été mis en échec une première fois dans une situation de proportionnalité va avoir, peut avoir, tendance à éviter de s'engager dans la résolution dès lors qu'il reconnaît qu'on est dans cette situation-là. Et donc arriver justement à montrer que c'est en en cherchant plusieurs qu'on arrive à progresser, à dépasser les obstacles, est aussi constitutif de la modification de ses représentations et de cette mémoire qui empêche, qui inhibe l'engagement dans la démarche cognitive. Alors, parmi les stratégies méta-cognitives de repérage, de traitement et de contrôle des erreurs, il y a pour l'élève arriver à acquérir, très progressivement, parce que c'est difficile, des stratégies de contrôle, d'accord, de retour en arrière, et puis pour l'enseignant, des stratégies de régulation. C'est justement en identifiant à la fois les conceptions erronées des élèves, les erreurs dans les démarches et les représentations justement par rapport aux attendus, que le professeur peut arriver à réguler son enseignement à ce point.

Parmi les outils, et Sabine vous en présentera, le premier, sur lequel je vais passer relativement vite puisque j'ai entendu dire qu'hier avait été présenté le journal des apprentissages. [Le tableau revient en gros plan à la place de l'intervenante, avec la ligne supplémentaire liée à son propos]. Là je parlerai de ce que l'on appelle un journal d'erreurs et de progrès. Si le lien fonctionne.

[À l'image, un grand titre et un schéma en forme d'arbre].

[Logo] académie de Créteil

Académie de Créteil Inspection pédagogique régionale de mathématiques

[Dans l'arbre, des mots en vert, plus ou moins grands, liés aux méthodes de travail]

[Exemples lisibles]

Vidéo, , Classe Inversée, Stratégie de Réussite, Travail Hors la Classe, Tâche À Prise D'initiative, Carte Mentale, Travail sur l'erreur.

Anne BURBAN :

Voilà. Alors ça, c'est une brochure. Elle me permet de présenter un travail tout à fait remarquable qui a été mené par un groupe de travail d'enseignants et de formateurs de mathématiques de l'académie de Créteil. [On l'entend batailler avec l'ordinateur]. Malheureusement, elle n'est pas là. Non, bon alors, ce n'est pas grave, je vais passer plus loin. Je ne voudrais pas perdre de temps. [Elle revient à l'image]. Je vais vous expliquer le procédé. Déjà, parler de journal d'erreurs et de progrès, associer le progrès à l'erreur, déjà, c'est quelque chose de tout à fait essentiel. [Elle se tourne]. Monsieur Cavaillé n'est pas là ? J'aurais aimé l'appeler à l'aide. Il m'a dit qu'il viendrait m'aider si j'avais des soucis. Et il s'en va. [L'assistance rit. Une collaboratrice vient l'aider]. Bon, écoutez, j'ai perdu le diaporama.

La collaboratrice :

On va le retrouver.

Anne BURBAN :

Ah, ça y est ! Excusez-moi. J'ai paniqué, comme d'habitude, et je vous prie de m'excuser. [La collaboratrice part]. En tout cas, ce journal d'erreurs et de progrès, d'une part par sa dénomination, associe progrès et erreurs, ce qui en soi est quelque chose de tout à fait intéressant. [Le tableau revient en gros plan à l'image]. Et d'autre part engage les élèves non seulement à repérer leurs erreurs, qu'ils qualifient d'erreurs d'inattention, mauvaise lecture de l'énoncé, erreurs de calcul, erreurs de raisonnement, et les élèves sont invités à identifier aussi les progrès qu'ils peuvent faire par rapport à cette erreur. [Anne BURBAN est de nouveau à l'image, aux côtés des deux autres intervenantes]. Au début, les élèves ont une démarche assez, comment dirais-je, proche de la situation. C'est-à-dire qu'ils vont simplement dire qu'ils apprendront la prochaine fois les théorèmes de la leçon, afférents à la leçon. Alors que petit à petit, et sous la conduite du professeur, ils apprennent justement à décortiquer un processus qui va leur permettre de corriger les erreurs. C'est-à-dire identifier la situation, chercher parmi les connaissances celles qui sont en rapport, parce qu'elles relèvent de la même catégorie, entre autres choses. Mais cela, c'est quelque chose qui n'est pas naturel pour l'élève. Et donc, les amener par un travail régulier sur leur propre production à avoir cette démarche de repérage et d'autocorrection, est quelque chose qui nous paraissait tout à fait intéressant. Alors, Sabine, vous allez nous présenter là ce que vous faites avec vos élèves.

Sabine BOUVERET : :

Une autre façon de travailler sur l'erreur, une autre modalité, c'est par exemple de faire réaliser aux élèves des quiz numériques avec un logiciel en ligne qui s'appelle Il s'agit ici pour les élèves de préparer un QCM.

[Son présentoir est en gros plan à l'image pour la première fois].

Sabine BOUVERET

Professeur de mathématiques

Académie de Besançon

Sabine BOUVERET :

Ça veut dire que l'élève travaille sur les notions sur lesquelles il est par exemple en difficulté, et puis imagine des questions, trouve la réponse juste, mais aussi propose des réponses fausses qui traduisent les erreurs les plus courantes. Donc, ça l'oblige à anticiper quelles sont les erreurs possibles. [Carton à l'image, capture d'écran, exemple d'une application de qu'elle décrit, off]. On voit ici un QCM qui a été créé par des élèves de Cinquième. La consigne est de calcul est 2 plus 3 fois 5 plus 4. Donc, les élèves ont proposé la réponse juste mais aussi font figurer dans le QCM l'erreur qui correspond au fait de n'avoir pas respecté les priorités, avoir commencé par l'addition. [Carton à l'image, capture d'écran, autre exemple d'une application de qu'elle décrit, off]. Ils peuvent aussi, dans ces QCM, donner des indices pour répondre correctement à la question et expliquer les erreurs qui ont été faites. Cela fait travailler des choses en communication, en prise d'initiative. [Sabine BOUVERET revient à l'image]. Cela permet de construire des ressources pour les pairs, puisque ces QCM sont accessibles en ligne, on peut à nouveau les déposer pour toute la classe. On peut faire travailler les élèves en binôme là-dessus avec des élèves qui s'expliquent entre eux et qui font des choix commun. Une autre modalité de travail qui nous semblait intéressante, c'est d'anticiper un devoir en classe, et, au préalable, de faire un travail d'analyse sur les devoirs et sur les évaluations que l'enseignant a déjà donnés.

[Nouvelle diapositive, sous forme de liste, seule à l'image].

Anticipation d'un devoir

Observe les deux premiers devoirs donnés en classe.

- Ont-ils des points communs ? Des différences ?

- À ton avis, quels sont les objectifs du professeur ?

Imagine le prochain devoir de mathématiques.

Sabine BOUVERET :

Prendre un temps de réflexion pour se poser quelques questions. On a fait deux évaluations depuis le début de l'année, observons-les. Quels sont à votre avis les buts ? Quel est le contenu de ces évaluations ? Pourquoi l'enseignant demande ça ? Qu'est-ce que ça lui permet d'évaluer ? Qu'est-ce que vous pouvez dégager comme points communs, comme différences dans ces évaluations ? Et demandez à l'élève d'anticiper ce que pourrait être le prochain devoir, ça permet aussi de donner du sens à l'évaluation. Lui suggérer que l'enseignant a mis une tâche à prise d'initiative parce qu'il veut évaluer si tu développes quelques compétences en termes de résolutions de problèmes, par exemple.

[Carton plein cadre. Liste des éléments d'une antisèche, écrite à la main, avec quelques fautes et ratures, qui fait rire l'assistance.]

Création d'antisèches

Règle numéro 1 : Quand un calcul comporte des parenthèses, on commence par le calcul entre parenthèses.

Règle numéro 2 : Lorsqu'il n'y a pas de parenthèse dans un calcul, on effectue d'abord les multiplications et les divisions, puis les additions et les soustractions.

Règle numéro 3 : Dans un calcul sans parenthèses, s'il n'y a que des divisions et des multiplications, j'effectue les calculs dans l'ordre où ils se présentent de gauche à droite.

Règle numéro 4 : Dans un calcul sans parenthèse, s'il n'y a que des soustractions et des additions, j'effectue les calculs dans l'ordre où ils se présentent.

Dans l'écriture en ligne d'un quotient, les parenthèses sont obligatoires autour du numérateur et du dénominateur.

Sabine BOUVERET :

Autre façon, autre modalité de travail, en lien avec l'évaluation toujours, c'est de faire préparer des antisèches aux élèves. Mais de vraies antisèches ! Qu'ils pourront utiliser réellement pendant le devoir. Ce travail sur les antisèches, ça permet aux élèves de se demander ce qu'il faut qu'ils trient dans leur leçon. Ce qui leur semble important, qu'ils puissent mettre sur leur antisèche. Je vous montre deux exemples. Un premier exemple où, en Cinquième, l'élève a recopié l'intégralité des règles de la leçon. En évaluation, il y avait un exercice où il s'agissait de mettre en application ces règles dans des calculs simples. Elle n'a pas réussi à les faire. [Diapo plein écran, sur deux autres exemples d'antisèche, écrits à la main sur la même page, avec règles de calcul, sigles mathématiques correspondants, et couleurs – indescriptible plus précisément. Sabine BOUVERET va l'expliquer. Elle n'est pas à l'image]. Un deuxième exemple, l'antisèche où, dans le premier cas de figure, l'élève se donne un exemple à elle, ce n'est pas un exemple du cahier de leçon. Elle a utilisé un système de couleurs pour indiquer qu'en premier, elle fait le calcul dans les parenthèses les plus intérieures, en deuxième, elle va faire le calcul entre crochets, et ainsi de suite. Elle s'est signifié, elle a résumé, elle s'est approprié les règles précédentes à sa façon à elle. Dans le troisième exemple, encore une autre façon de se représenter ces règles, l'élève les a rangées dans l'ordre chronologique, et donc crochets, parenthèses, multiplication, division, addition soustraction. Et la phrase en dessous signifie que s'il n'y a que des multiplications et des divisions, le calcul se fait de gauche à droite. Donc, deux façons qui montrent que ces élèves-là ont vraiment intériorisé les règles de leçon. Elles sont devenues les leurs. La création de ces antisèches, ça peut être vraiment pertinent.

[Elle revient à l'image]. C'est transférable dans différentes matières pour en avoir discuté avec des collègues. Cela implique de trier ce qui sera utile dans le cours, et ce n'est pas une mince affaire, quand on est enseignant. Parce qu'il faut les regarder, ces antisèches, cela nous apporte plein d'informations, quand on a une élève de Troisième qui recopie une partie d'une démonstration, en guise d'antisèche, on se demande ce qu'elle a compris du cours, ça interroge. Cela veut dire qu'elle n'est pas en mesure d'extraire ce qui va lui être utile. Peut-être que cela interroge aussi sur la posture de l'enseignant. Quand je vois que cette élève qui a recopié l'intégralité de la leçon n'est pas en mesure de la transférer, le problème n'est pas l'apprentissage des leçons. Le problème, il est ailleurs. Donc, ça oblige à se poser des questions sur ce que je peux faire, ce que je vais modifier, quelles autres stratégies je vais mettre en place pour pouvoir faire progresser cet élève-là. Laisser les antisèches en contrôle, cela permet aussi de rassurer certains élèves. Et puis, si on ne souhaite pas les laisser en contrôle, l'élève se dit que ce qu'il a à apprendre ou à retravailler, c'est ce qui figure sur son antisèche. Cela permet aussi d'avoir un diagnostic avant l'évaluation. Le travail sur les antisèches en classe qui est ramassé permet d'ores et déjà d'anticiper quelles peuvent être les difficultés des élèves et d'essayer d'y remédier avant de faire l'évaluation. [Anne Burban lui reprend la souris de l'ordinateur]. Oui.

Anne BURBAN :

Nous passons à un deuxième élément, qui a été signalé par Viviane, relatif à l'automatisation, donc la création d'automatismes et de réflexes intellectuels. Pourquoi est-il essentiel justement de développer ces stratégies d'automatisation ?

[Diapositive à l'image, liste qui va s'enrichir au fur et à mesure des propos d'Anne BURBAN].

Automatismes et réflexes intellectuels

Pourquoi ?

Mémoire à long terme, mémoire de travail, charge cognitive.

[puis]

Comment ?

Rituels d'activités mentales visuelles ou auditives.

Anne BURBAN :

J'y reviendrai très vite, parce que Viviane en a parlé. C'est parce que nous avons une mémoire, la mémoire à long terme, qui est une mémoire à vaste capacité de stockage mais qui n'est pas une mémoire en activité lors d'une tâche donnée. La mémoire qui est sollicitée pour exécuter une tâche cognitive donnée, c'est la mémoire de travail, qui est, elle, une mémoire à très faible capacité de stockage et à très faible durée de stockage. Donc, si un certain nombre de connaissances ou de procédures n'ont pas été automatisées, l'élève est en surcharge cognitive parce que plutôt que de résoudre la tâche demandée, il est amené à reconstruire des résultats intermédiaires qui le bloquent complètement et qui arrivent même à lui faire oublier l'origine de la question. Là encore, je l'illustrerai sur un exemple mathématique. Si l'on demande à un élève de calculer les 75 pour cent de 36. L'élève qui n'a pas d'automatismes intellectuels va faire 36 fois 75, le pour cent éventuellement et avec tous les risques et le temps. Celui qui a automatisé que 75 pour cent de, c'est les trois quarts de, et que 36, c'est 9 fois 4. Il obtient le résultat, 27, immédiatement. [Elle revient à l'image]. Vous voyez donc sans aucun effort et de façon totalement automatisée et immédiate, il est capable de mettre ce résultat au service justement de la suite. Donc on voit très bien ce travail de constituer des réflexes intellectuels, des images mentales, qui vont permettre justement d'aller tout de suite chercher l'information là où elle se trouve et au bon endroit dans la mémoire à long terme, pour l'utiliser, la transférer et être capable d'être performant. Alors, question : comment justement apprendre aux élèves à développer des automatismes et des réflexes intellectuels ? [Une ligne s'ajoute au tableau de nouveau à l'image]. Sabine, vous pouvez peut-être nous décrire des rituels d'activité mentale. [Elles sont toutes trois à l'image].

Sabine BOUVERET :

Oui. Activité, pas seulement calcul. Il s'agit de construire des automatismes qui vont s'enrichir progressivement dans différents cadres, différents cadres qui se complètent. Par exemple, des automatismes sur la proportionnalité qui vont se travailler dans le cadre numérique, dans des situations concrètes, dans les airs, les vitesses, les agrandissements, les fonctions. Tout cela sur l'ensemble d'un cycle qui permet de revenir régulièrement sur cette notion d'activités mentales qui sont ritualisées.

Anne BURBAN :

Alors, l'intérêt aussi de hiérarchiser, de structurer, d'organiser.

[Une nouvelle diapositive est à l'image, liste qui va s'enrichir au fur et à mesure des propos d'Anne BURBAN.]

Hiérarchiser, structurer, organiser

Pourquoi ?

Faciliter la mémorisation - stockage et traitement des informations, le transfert, l'ancrage.

[puis]

Comment ?

Trouver des représentations structurantes.

Identifier les catégories.

[puis]

Outils

Cartes heuristiques

Fiches de synthèse

Anne BURBAN :

D'une part parce que l'organisation facilite la mémorisation, aussi bien au niveau du stockage et du traitement des informations que du transfert et de l'ancrage. C'était l'exemple de la bibliothèque que nous citait Viviane. Effectivement, pour aller retrouver un livre dans une bibliothèque, on a intérêt à ce que cette bibliothèque soit bien organisée, bien hiérarchisée et ça, c'est tout à fait important à la fois au niveau de l'ancrage, c'est-à-dire de montrer aux élèves comment les connaissances nouvelles s'articulent à des connaissances antérieures, pour constituer justement quelque chose de cohérent, et, d'autre part, qu'elles soient rattachées à des grandes catégories pour être capables justement d'activer, de faciliter les capacités de recherche. Que les notions n'apparaissent pas compilées les unes par rapport aux autres, mais vraiment structurées, et c'est le sens justement des différents registres et cadres qui peuvent intervenir justement pour cette organisation. Là encore, c'est quelque chose qui paraît naturel aux experts et aux professionnels mais qui ne l'est pas du tout pour les élèves. Il y a donc nécessité à les aider et à leur donner des outils pour arriver à cette organisation. [Plusieurs lignes liées au propos sont ajoutées une à une au même tableau]. Les didacticiens parlent justement de représentation structurante pour cette organisation. L'identification de catégories de problèmes, de catégories de situation. Parmi les outils, nous avons des outils parmi d'autres que sont des cartes heuristiques ou encore des fiches de synthèse. [Elle revient à l'image]. Et je vous laisse, Sabine, commenter une fiche de synthèse ici.

Sabine BOUVERET :

Voilà. Donc, la fiche de synthèse, c'est un moment où on se pose et on fait un retour sur ce qu'on a appris. Qu'est-ce que j'ai appris, par exemple, sur la proportionnalité ? C'est un écrit qui aide aussi à structurer sa pensée, ses connaissances. C'est un écrit intermédiaire de l'élève qui me semble intéressant puisqu'il fait passerelle entre l'oral de la classe ordinaire et puis ce qui pourrait être l'écrit du professeur dans le cahier de leçon.

[Diapo plein écran d'une feuille de schémas, dessins, écrits, d'un élève, avec couleurs, flèches, petit tableau, et un gros sigle de pourcentage, entouré, notamment. On peut y lire difficilement quelques exemples en vrac].

La Proportionalité.

Pour qu'un graphique soit proportionnel, il doit être comme ceci [dessin et flèches].

Les différentes façons de l'utiliser sont les produits en croix, le retour à l'unité, le coefficient de proportionnalité, la linéarité. [Les données du petit tableau dessiné ne sont pas lisibles, seuls les chiffres apparaissent].

Sabine BOUVERET :

Là, c'est l'élève qui structure avec ses propres mots. L'idée est de résumer ce qu'on a compris d'une notion. Cela peut être un travail personnel, cela peut être un travail de groupe, bien sûr, fait dans un temps d'AP dans la classe. L'idée est aussi que ce travail, ce résumé, s'enrichit au fur et à mesure de l'année ou du cycle, qu'il se complète aussi par la confrontation avec les fiches de synthèse réalisées par les autres élèves dans la classe. Et puis, on voit ici aussi la variété des registres qui sont utilisés par les élèves, puisque on a une représentation graphique, tableaux, par des mots, et en cela, ça concourt à la différenciation puisque chaque élève utilise ses propres représentations pour structurer ce qu'il a compris.

Anne BURBAN :

Alors, nous arrivons à un stade, là, plus élaboré au niveau des processus cognitifs, celui de la résolution de problèmes. Pourquoi résoudre des problèmes ? D'abord parce qu'il existe différents types de problèmes, qui ne visent pas tous les mêmes objectifs, les objectifs sont variés.

[Une nouvelle diapositive est à l'image, liste qui va s'enrichir au fur et à mesure des propos d'Anne BURBAN, qui n'est donc plus à l'image].

Résoudre des problèmes.

Pourquoi ?

Différents types de problèmes.

[puis]

Comment ?

[puis, avec une flèche] Reformuler, se représenter, simplifier la situation.

[puis, avec une flèche] Identifier les connaissances mises en jeu.

Établir des inférences logiques, abductives ou déductives.

Anne BURBAN :

Il y a ce que les didacticiens appellent des situations de problème, qui vont être des problèmes conçus de manière à déstabiliser des connaissances antérieures qui se révèlent insuffisantes et qui de fait amènent la construction d'un nouvel outil cognitif. C'est la théorie de la déstabilisation et du rééquilibrage des constructivistes ou des socioconstructivistes. Donc il y a des problèmes dont l'objectif est vraiment de montrer aux élèves, et je reviens à ce que je disais tout à l'heure, les limites de validité d'un certain cadre de connaissances. [Une ligne supplémentaire s'ajoute au même tableau]. Et puis, il y a d'autres problèmes, il y a des problèmes dont le but est justement d'apprendre à chercher, c'est-à-dire à développer des compétences transversales d'organisation, de recherche, de tri d'information. [Anne BURBAN est revenue à l'image]. C'est tout le travail autour de l'énoncé et des consignes. Un travail justement d'organisation des processus de recherche. Où est-ce que je vais chercher dans ma mémoire à long terme les connaissances qui sont en lien, en jeu avec le problème ? Comment les organiser ? Comment les structurer ? Et après, comment les communiquer ? On voit donc là qu'on touche, c'est ce que je disais tout à l'heure, au début de mes propos, on touche vraiment tous les domaines du socle dans la résolution de problèmes. Comment apprendre aux élèves à résoudre un problème ? Certainement pas en se contentant de leur donner la solution du problème. [Une ligne supplémentaire s'ajoute au même tableau, de nouveau en gros plan à l'image]. La, en majuscules. La, en tant que solution experte. Ce n'est pas ça qui apprend vraiment à engager les démarches, les stratégies de résolution. Pour apprendre à résoudre un problème, il faut apprendre déjà à le reformuler avec ses mots à soi. Il faut apprendre à le représenter ou à se le représenter. Et on voit bien que cela est quelque chose de très diversifié selon des élèves.[Elle revient à l'image]. Cette interprétation personnelle du problème est quelque chose aussi à travailler, les élèves, certains vont faire des schémas, certains vont essayer d'aller chercher dans toutes leurs connaissances celles qui peuvent se rattacher à la situation proposée. C'est quelque chose d'extrêmement variable, la manière d'attaquer justement une résolution de problème. Et puis, il y a des stratégies de simplification. C'est justement de simplifier pour se ramener à un modèle qui permettra la résolution. Tout cela, ce sont des stratégies qui ne sont pas naturelles pour les élèves et qui doivent s'enseigner. Cela fait vraiment aussi partie de l'enseignement. Ce n'est pas seulement le problème lui-même dont on attend une solution, la production, mais c'est toute la démarche mise en œuvre justement pour le chercher et le résoudre. [Une ligne supplémentaire s'ajoute au même tableau, de nouveau en gros plan à l'image]. Donc l'identification des connaissances mises en jeu, et puis des stratégies de raisonnement, ce que j'ai appelé établir des inférences logiques, qui peuvent être alors déductives, c'est-à-dire que si l'on a une propriété A, par application d'une définition ou d'un théorème, je sais que je vais arriver à la propriété B, qui est demandée, mais à un niveau beaucoup plus élaboré, en général, ce n'est pas comme cela que l'on procède pour résoudre un problème. On part à l'envers, ce qu'on appelle le chaînage arrière dans le raisonnement. [Elle revient à l'image]. On doit démontrer une propriété B. On sait que si l'on avait résolu un autre problème A, dont on sait par déduction qu'il mène à B, on arriverait à B. Toute la difficulté est de transférer et d'aller repérer d'autres problèmes ou sous-problèmes suffisants, qu'il s'agit de résoudre pour arriver au problème initial. Donc on voit bien que, ça, c'est une démarche, qui s'appelle la démarche abductive, qui est délicate, qui nécessite du temps, de la progressivité mais qui doit également faire partie des stratégies d'enseignement. Alors que dans la communication, c'est-à-dire dans la rédaction finale, ce qui est compréhensible par autrui n'est jamais présenté de cette manière-là. Puisque la communication part justement de l'affaire déductive une fois qu'on a effectué tout ce travail qui permet de décortiquer la situation. Sabine, je vous laisse.

Sabine BOUVERET :

Alors, un exemple de situation. Il y a un kiosque qu'on veut construire dans la cour du collège et il s'agit de dessiner ce kiosque dans la cour sachant qu'il a un côté d'un mètre.

[Le problème cité est projeté, mais ne sera pas lu par Sabine BOUVERET. Sur une feuille, le texte, puis le dessin d'un kiosque. L'intervenante n'est plus à l'image.]

Pour la fête de fin d'année, le principal du collège envisage de faire installer un kiosque sur la pelouse du collège. L'entreprise contactée lui propose un kiosque dont la base a la forme d'un pentagone régulier de côté de 2 mètres. Le principal se rendre compte de la place que prendrait ce kiosque sur la pelouse. Plante dans la pelouse les cinq piquets correspondant aux cinq piliers du kiosque. [Sous le dessin du kiosque]. Un kiosque à base pentagonale.

Sabine BOUVERET : :

Peu importe le problème mathématique mais l'idée est de travailler avec les élèves sur ce que je peux faire pour m'engager dans la résolution de ce problème. [S'enchaîne un dessin d'enfant en gros plan, fait d'ensembles reliés par des flèches. Chaque ensemble contient un mot lié à ce qui pourra aider à la résolution du problème, l'ensemble central représentant le kiosque pentagonal. L'intervenante, qui n'est pas à l'image, en explique les modalités et la finalité]. Non pas essayer de le résoudre directement mais de décrire les pistes, les étapes, les associations d'idées auxquelles cet énoncé me fait penser. Il y a bien sûr, on l'a dit, à simplifier et à se représenter le problème. Je pars au départ d'un pentagone, qu'est-ce que je peux faire ? Est-ce que je connais l'aire d'un pentagone ? Non, je ne la connais pas. Je peux la décomposer en triangle, ces triangles, je peux faire des calculs dedans ? À quelles connaissances cela me fait penser ? Je peux utiliser de la trigonométrie ou Pythagore. Je note les différentes pistes, les différentes associations d'idées qui me viennent et ensuite cela va me permettre d'établir un chemin vers la résolution. [Une nouvelle diapo, avec un schéma comportant de nombreuses fines ramifications, est à l'image. Le point central étant de résoudre un problème, les ramifications concernant ce qui peut être mis en œuvre pour le résoudre. L'intervenante, off, en explique le fonctionnement]. Autre forme de carte heuristique, de carte mentale, plus générale, c'est-à-dire que quand on a travaillé à plusieurs reprises sur la résolution de problèmes, c'est essayer de faire dégager aux élèves, ce sont eux qui font le travail, ce qu'ils doivent mettre en œuvre pour résoudre un problème ? [Elle va expliquer une partie du diagramme, soit une des liste de ramifications du schéma, qui est toujours en gros plan et seul à l'image]. Ça, c'est une carte mentale élaborée par un groupe d'élèves. Par exemple, dans la compétence qu'on appellera chercher, ils ont dégagé que ce qu'ils mettaient en œuvre pour chercher un problème, c'était par exemple, d'écrire ce qu'ils cherchaient, de souligner les données importantes dans l'énoncé, qu'ils pouvaient faire des dessins, s'engager dans des essais numériques, essayer d'enlever les informations inutiles, aller piocher dans leurs connaissances. Et ça, c'est une carte mentale qu'on va enrichir progressivement, au fur et à mesure de l'année, qui donne du sens aussi aux compétences travaillées, aux compétences de recherche, de communication, de raisonnement, qui sont le cœur de l'activité mathématique. Et d'autres activités, bien sûr. Pour moi, ça développe aussi une forme d'autonomie de l'élève. Parce que, pour moi, l'AP, c'est ça aussi, c'est essayer de rendre les élèves plus autonomes dans leur façon de travailler. Et à nouveau, je pense que c'est transférable à d'autres disciplines.

[Une nouvelle diapo apparaît à l'image, liste qui va s'enrichir au fur et à mesure des propos d'Anne BURBAN, qui n'est donc pas à l'image].

Des émotions qui peuvent parasiter l'apprentissage.

[puis]

Peur de l'échec, peur d'apprendre – Serge Boimare.

[puis]

Perte de la confiance en soi, puis de l'estime de soi• Place et rôle de l'évaluation, du regard des autres.

[puis]

Cas des élèves, appelés agiles, soit niveau 4 dans l'échelle des attendus.

Anne BURBAN :

Alors nous reviendrons sur un point, le point de l'émotionnel et de l'affectif, qui été signalé par Viviane.[Les 3 intervenantes sont à l'image, puis on revient au tableau qui s'enrichit d'une ligne supplémentaire]. Il est particulièrement prégnant sur l'apprentissage des mathématiques. Les études ont montré comment les élèves, quand ils sont en situation de mathématiques, n'arrivent pas à résoudre une situation qui, si elle est présentée dans un autre contexte, les mettent en réussite. Jean-Marc Monteil a présenté une situation de géométrie qui n'est pas réussie par les élèves, notamment par les filles, quand on leur dit que c'est une évaluation mathématique, alors qu'ils ou elles la réussissent très bien quand on dit que c'est une évaluation dans les domaines d'arts plastiques. [Anne BURBAN revient en gros plan à l'image]. Donc, là, vraiment on voit la peur de l'échec, et cette peur de l'échec peut être transformée jusqu'à la peur d'apprendre. C'est Serge Boimare, qui était ce qu'on appelait autrefois un instituteur spécialisé, également psychothérapeute, qui dit que les élèves ont envie de savoir mais qu'ils ont parfois peur d'apprendre. Cette envie de savoir, cela veut dire l'envie d'avoir le résultat, la production, et la peur d'apprendre, c'est justement la peur de ce déséquilibre que nécessite l'apprentissage parce qu'il y a le processus d'erreur, parce qu'il y a les obstacles, et donc, vraiment, si ces temps d'accompagnement personnalisé pouvaient justement mettre l'accent sur cet apprentissage et tout son déroulé, et inhiber justement cette peur de passer, et ce souvenir vraiment d'expérience douloureuse, je pense qu'on aurait vraiment franchi un pas très important par rapport aux difficultés de l'élève. Donc cette peur d'apprendre, vous savez que c'est une spirale infernale qui entraîne la perte de la confiance en soi, la perte de l'estime de soi, et donc vraiment, les difficultés.

[Les lignes sont ajoutées au tableau qu'on retrouve plein cadre à l'image]. Et là, bien évidemment on retrouve l'évaluation, le rôle de l'évaluation, le regard des autres, Viviane en parlait, sachant que le regard des autres, c'est beaucoup le regard du professeur bien évidemment, mais aussi le regard des autres élèves.[Une ligne est ajoutée à la liste à l'image]. Et puis je pense qu'il faut aussi penser aux élèves que je qualifie d'élèves agiles, les élèves qui comprennent vite mais qui peuvent éventuellement s'ennuyer, qui peuvent devenir aussi des éléments perturbateurs du coup, et donc troubler l'apprentissage des autres. Et c'est là aussi, Viviane a parlé de l'échelle des attendus à quatre niveaux, c'est qu'il faut aussi prévoir pour ces élèves-là ce niveau quatre, qui est au-delà des attentes du niveau satisfaisant du socle et envisager comment cela engage l'enseignant avec des questions des filles, avec un travail différent, qui peut être un travail de tutorat, un travail d'explicitation que les élèves en facilité peuvent réaliser, et je pense qu'il est vraiment essentiel aussi, et je rappelle que dans le texte de la loi, il est bien indiqué que chaque élève doit acquérir le socle au meilleur niveau de maîtrise possible. Et ça, c'est quelque chose de très important en termes de différenciation pour chacun. [Une nouvelle liste apparaît plein écran. Les éléments de la liste sont ajoutés au fur et à mesure du propos d'Anne BURBAN, off].

Plus-value et limites des dispositifs et des outils

Les exerciseurs

La classe inversée .

Anne BURBAN :

Et il y a un point aussi sur lequel il me paraît absolument essentiel de revenir. J'ai parlé de plus-value mais aussi de limites de certains dispositifs et de certains outils. Et je reviens sur des outils numériques. D'accord. Ces outils numériques peuvent être effectivement des plus-values extraordinaires, et Madame Bouvier a présenté l'utilisation tout à fait pertinente qu'elle en fait en classe. Et je reviens par exemple sur les exerciseurs. L'utilisation d'exerciseurs en classe ou en dehors de la classe, c'est très bien parce que cela permet justement un entraînement pour les élèves et de façon différenciée. [Elle revient à l'image]. À condition toutefois que le programme des exercices à chercher ait été anticipé, préparé par l'enseignant, et de manière différente. Et je vous avais demandé de stocker dans votre mémoire à long terme zéro virgule 4 multiplié par zéro virgule 4, c'est égal à zéro virgule 16. Quand les exerciseurs vont chercher au hasard des nombres, car les générateurs sont des générateurs aléatoires, il est bien évident que le seul exerciseur n'est pas capable de détecter l'erreur. Il dira si c'est juste ou faux et l'élève n'en saura pas plus. Je crois vraiment qu'il y a une plus-value réelle, mais une anticipation, et cela ne peut pas en exonérer l'enseignant justement, de la réflexion à mener autour de l'utilisation des outils. Et je dirai la même chose de la classe inversée qui a été très fortement utilisée en mathématiques puisque l'origine vient de là, la a été la première à mettre en ligne toutes ces vidéos, justement.[Une ligne s'ajoute au tableau, de nouveau à l'image]. La classe inversée, c'est un procédé, à condition justement que ce qui est présenté dans les vidéos ne soit pas seules. C'est vraiment du registre du procédural. Les élèves peuvent voir comment on fait, comment on construit, mais pas du tout comment on apprend. C'est-à-dire que la démarche de raisonnement, la démarche justement de déconstruction des conceptions, de reconstruction sur lesquelles nous avons insisté, ne peut pas s'acquérir à travers simplement l'observation d'une vidéo en classe ou en dehors de la classe. Donc il y a des outils. Ces outils ont un intérêt réel mais il ne faut pas tomber dans des slogans qui exonéreraient autour de la réflexion pédagogique et didactique que doivent absolument mener les équipes, sur l'utilisation de ces outils. Nous vous remercions de votre attention et nous nous excusons d'avoir été trop longues.

[Carton plein cadre].

Nous vous remercions de votre attention.

[Applaudissements fournis de l'assistance].