Concernant l’accueil d’un nouveau collaborateur, on évoque souvent le terme de "onboarding". Pouvez-vous nous en donner une brève définition ?
On utilise effectivement depuis quelques années cet anglicisme pour résumer ce que l'on appelait auparavant la période d'intégration du collaborateur. En fait, dans la vie d'un salarié, on observe diverses étapes clés, c'est ce qu'on appelle l'expérience collaborateur. Ça démarre du recrutement jusqu'au départ du collaborateur.
Et finalement, la 2e étape de cette expérience collaborateur, c'est la période d'intégration, appelée aussi onboarding. C'est la période pendant laquelle il faut observer les compétences du collaborateur. Il faut aussi continuer à le séduire en évitant une rupture de la période d'essai qui peut être rompue par les 2 parties : à l'initiative de l'employeur si les compétences observées ne sont pas rendez-vous et également à l'initiative du collaborateur si l'entreprise ne répond pas aux attentes, aux espérances du nouveau collaborateur.
Pour résumer, durant cette période de onboarding, il faut mettre en place des moyens matériels et humains afin d'accueillir au mieux le nouveau collaborateur, lui permettant ainsi de s'épanouir et d'être efficace le plus rapidement possible et surtout de comprendre le fonctionnement de l'entreprise pour également s'intégrer dans l'équipe. Il y a donc une dimension organisationnelle dans cette période d'intégration tout comme une dimension humaine.
Quels sont les enjeux du onboarding en 2025 ?
En 2025, comme en 2024, on distingue des enjeux symétriques :
- un enjeu pour le collaborateur. C'est son parcours professionnel, c'est sa crédibilité, sa carrière et son employabilité qui sont en jeu ;
- un enjeu pour le manager puisque ce dernier a besoin d'une ressource, il a besoin de compétences ;
- un enjeu pour l'institution, puisque sa pérennité est basée sur le fait qu'on intègre correctement des collaborateurs, que tout le monde aille au bout de la période d'essai et qu'on aboutisse à une fidélisation ;
- évidemment, en dernier lieu, il y a un enjeu pour le service RH qui a été partie intégrante du process.
Peut-être peut-on faire un focus sur les difficultés en 2025 : on est encore sur un marché de l'emploi qui reste tendu même si, selon les derniers chiffres de la Dares, cela s'est un petit peu stabilisé. On a encore beaucoup de ruptures qui sont des démissions ou des ruptures conventionnelles, c'est à dire des ruptures unilatérales à l'initiative des collaborateurs. Cela veut dire qu'on est en recherche permanente de compétences et parfois de compétences clés. On est donc obligé, en tant que manager, en tant que service RH en 2025, d'avoir un vivier de candidats et de répondre à une problématique de turn-over qui reste assez élevée. Le onboarding reste donc un enjeu crucial quand on regarde les statistiques. Une étude récente de 2023 indique qu’un candidat sur cinq ne se présente pas le premier jour de travail. Dans ce cas, cela signifie que, en amont, on a clairement raté le onboarding puisqu'on n'a pas séduit le candidat. On lui a fait une proposition, il a signé un contrat mais malgré cela, il ne vient pas. On n'a pas répondu à ses attentes rien que par la formalisation et par la contractualisation du lien d'emploi. Il est très important de rester en contact avec le candidat pendant son préavis, dans l’attente de son arrivée. Quelques données :
- un recrutement raté, peut coûter entre 30 000 et 60 000€ ;
- 17 heures, c'est le temps moyen qui est passé par une personne, un collaborateur RH pour chaque onboarding ;
- enfin, quand on regarde globalement, seulement 12% des salariés sont satisfaits de leur période de onboarding et vont, par conséquent, avoir une satisfaction vis-à-vis de l'employeur.
À la lecture de ces éléments chiffrés, on identifie bien l’importance des enjeux. Nous comprenons rapidement que cela s'intègre dans un défi majeur pour l'expérience collaborateur. Un onboarding qui échoue, c'est la marque employeur qui va être écornée puisqu’aujourd’hui, les candidats et les collaborateurs vont évaluer à la fois l'employeur et le recruteur, notamment sur des sites comme Glassdoor.
Quels sont les risques en cas d'échec du onboarding ?
En cas d'échec du onboarding, plusieurs risques sont identifiés : si le onboarding ne fonctionne pas, nous l’avons évoqué à l’instant, il peut y avoir rupture de la période d'essai, soit à l'initiative de l'employeur, soit à l'initiative du salarié. Il y a donc un risque financier auquel s’ajoutent un risque humain, un risque managérial et organisationnel en cas d’échec. Cela constitue un coût humain puisque l'équipe qui accueille le nouveau collaborateur va subir, en cas d’échec, un sentiment de frustration, de méfiance peut-être même, par rapport au management. Personnellement quand j'étais DRH avant d’être professeur, j’ai fait de nombreux recrutements avec bien sûr des périodes d’intégration et je ne me souviens que des échecs. C'est assez révélateur !
Globalement, cela se passe heureusement bien dans 90% des cas. Dans les 10% d'échecs, on trouve des explications : soit on a commis une erreur de recrutement, ce qu'on appelle une "erreur de casting", soit on n’a pas été suffisamment impliqué dans l'intégration du collaborateur ou on n'a pas non plus forcément mis les moyens pour le succès de la mission.
L’échec d’une intégration peut également être vécu comme un traumatisme par l’équipe accueillante. Passer plus de deux mois avec un nouveau collègue pour, soudainement, le voir quitter l’organisation peut parfois déclencher une sorte de syndrome du survivant au sein du groupe pouvant générer des craintes et soulever des questions : y a-t-il des problèmes financiers ? Va-t-il y avoir des changements de stratégies, d'organisation ? Suis-je concerné ?
Quelles seraient vos recommandations managériales au sujet de l’accueil de nouveaux collaborateurs ?
Un process de onboarding doit avant tout être formalisé. C’est la clé du succès.
Les services RH ont tout intérêt à organiser un accueil collectif (réunion d’accueil, séminaire de team building) mais aussi personnalisé (poste de travail accueillant le jour J avec mise à disposition de goodies comportant le logo de l’entreprise, matériel informatique, accès informatiques, etc.).
En général, la formalisation est fréquente dans les grosses structures et dans des structures où, depuis très longtemps, on est acculturé avec des problématiques de qualité, de normes ISO. Dans ce cadre-là, des procédures ont été rédigées et on s'appuie sur des to-do list pour accueillir le collaborateur.
Cela relève de l’administratif mais il ne faut surtout pas oublier l’humain. Alors un autre conseil serait de prévoir un parcours d'intégration sur plusieurs jours. J’ai vécu autrefois un parcours d'intégration chez DHL où on passait une demi-journée sur des postes différents : une demi-journée avec un livreur, une demi-journée avec un téléconseiller, etc. Ce sont des parcours d'intégration qui permettent de voir de façon transversale l'activité de l'entreprise et de se sentir intégré.
N'oublions pas les fonctions support. En tant que DRH, j'avais prévu un parcours d'intégration où en fait, au-delà de faire visiter simplement les locaux et les différentes activités, on passait un peu de temps avec chaque responsable de département. C'était un petit parcours qui se faisait sur 3 jours.
En résumé, il est donc important de prendre le temps, en suivant quelques étapes clés :
- en amont : ne pas laisser le candidat sans nouvelle avant son arrivée même s’il a déjà signé son contrat de travail ;
- solliciter un collaborateur qui deviendra son tuteur/binôme ;
- organiser l’accueil physique : bureau, ordinateur, codes de connexion, etc. ;
- prévenir les parties prenantes : services généraux, accueil, collègues ;
- organiser la première journée du nouveau collaborateur (visite des locaux, attribution d’un tuteur, etc.) ;
- prévoir une formation interne en cas de besoin ;
- préparer une rencontre avec le reste de l’équipe, voire des autres services ;
- planifier un entretien au bout d’un mois d’essai, puis un rapport d’étonnement en fin de période d’essai.
Cet entretien est extrait du dossier RH partagée.