Depuis 1991, la législation en Lituanie a accordé progressivement plus d’autonomie locale aux établissements scolaires et aux écoles en même temps que le système éducatif lituanien s’orientait vers une éducation plus humaniste, rompant avec l’ancien modèle soviétique (Ministère de la culture et de l'éducation de Lituanie 1994). C’était un temps de démocratie, de renouveau et d'engagement envers la culture nationale et la réaffirmation de l’identité lituanienne. Le document législatif décrivait également la nouvelle structure interne du système éducatif, la formation des enseignants, la gouvernance et la gestion des écoles primaires et secondaires. Bien que ce document ait constitué un grand pas en avant, le processus de mise en œuvre n'a pas été facile dans un premier temps, en raison de certaines incohérences dans la législation et d'interprétations divergentes.
Dans la période 2003-2012, La Lituanie a fait face à plusieurs défis : améliorer le management scolaire, la qualité de l'enseignement, développer les ressources humaines et impliquer la société et les partenaires de l’éducation dans la pérennisation des réformes.
Une loi sur l'éducation adoptée le 25 juin 1991 (modifiée le 4 juillet 2007) définissait les principales fonctions des chefs d’établissement et directeurs d'école qui :
- étaient considérés comme responsables de la mise en œuvre des objectifs de la politique éducative et les programmes dans l’organisation scolaire, de la gestion et de l’organisation des examens de fin d'études primaires et secondaires, de la représentation de l’école ou de l’établissement au sein de diverses institutions ;
- élaboraient une estimation annuelle des coûts et des revenus de l'école/établissement scolaire et préparaient un compte rendu annuel des activités (rapport annuel) ;
- exerçaient les fonctions prévues par les règlements de l'école lituanienne dans l’enseignement en général ;
- s’occupaient aussi des ressources matérielles, organisaient le travail du personnel, veillaient à l’accompagnement et à ce que l’organisation fonctionne correctement, en s’assurant que les descriptions de poste soient conformes aux procédures et règlements en vigueur.
En Lituanie, la fonction de direction scolaire est donc exercée à temps plein dans ses dimensions physiques, financières et de gestion des ressources humaines.
Les chefs d'établissement/directeurs d’écoles sont choisis dans le cadre de concours publics annoncés par les municipalités. Ces dernières ont un pouvoir de nomination, d’attribution des responsabilités et de révocation de ces cadres. Les responsables municipaux évaluent aussi leurs activités tout en s’occupant de leur formation continue comme de celle des autres personnels. Par conséquent, le processus de nomination des chefs d'établissement est souvent très politisé. Des tentatives ont été faites cependant pour améliorer la procédure de nomination et la rendre plus transparente. La compétence des candidats pour chaque circonscription recruteuse est désormais vérifiée et le conseil scolaire dispose de plus de pouvoir.
A l’été 2011, un changement majeur a été introduit : une procédure d'évaluation centralisée visant à :
- évaluer si les candidats possèdent les compétences et le potentiel requis pour la direction scolaire ;
- fournir les données nécessaires pour sélectionner les candidats les plus aptes à participer aux concours dans le domaine de l'éducation ;
- fournir un accompagnement professionnel à ceux qui ont été jugés aptes à devenir des leaders dans les établissements et les écoles ;
- se faire une idée du niveau moyen de compétences et d'expertise des candidats à la direction d'un établissement scolaire ou d’une école.
Actuellement, les compétences des candidats qui souhaitent participer à un concours pour devenir chef d'établissement ou directeur d’école portent autant sur les attitudes et les aptitudes que sur les savoirs professionnels. L’expérience professionnelle compte aussi. L’évaluation des candidats pour leur qualification présente plusieurs dimensions : un entretien, l’accomplissement de tâches spécifiques, la résolution de problèmes, un travail de groupe et des tests.
Comme on le voit, le contexte éducatif lituanien donne à voir un mixte de décentralisation et de centralisation qui tend à stimuler le processus d’autonomie des écoles au-delà des règlements centralisés visant à garantir une bonne éducation et une égalité des chances pour tous les élèves lituaniens.
La Lituanie semble être l'un des pays de l’Union européenne ayant donné le plus de pouvoir de décision aux équipes de direction et aux conseils scolaires.
Il n’existe pas de contrôle par l’inspection. Les membres des conseils scolaires sont uniquement des représentants de la communauté scolaire (enseignants, parents, élèves) et n’accueillent pas de membres externes délégués par le gouvernement local ou le ministère. Pendant longtemps, la Lituanie était, en outre, le seul pays où un directeur d'école ou chef d’établissement ne pouvait être démis de ses fonctions pour cause de mauvais résultats, alors qu'en en Russie, par exemple, tout responsable d'un établissement d'enseignement pouvait être licencié sans explication. Plus récemment, le contrat de travail de cinq ans pour les directeurs d'école ou chefs d’établissement a mis en place un mécanisme de remplacement de la direction scolaire en cas de mauvaise performance.
Malgré le fait que les écoles primaires et secondaires disposent d'un niveau d'autonomie relativement élevé, le professionnalisme des directeurs d'école et chefs d’établissement demeure l'un des problèmes non résolus de la politique éducative nationale.
Il n'y a pas d'obligation pour ces cadres d’acquérir une formation formelle dans le domaine du management scolaire.
Programme "le temps pour les leaders"
Il existe pourtant de nombreux cours de longue et courte durée, y compris le projet national de formation au management des organisations scolaires, lequel devait contribuer au professionnalisme des futurs chefs d’établissement ou directeur d’école. Ce programme dénommé "le temps pour les leaders" :
- stipulait que tout le monde pouvait être un leader, pas seulement un chef ou un manager ;
- invitait à inter-relier toutes les activités d’administration, de management, et de leadership ;
- Impliquait des représentants de tous les niveaux (national, municipal, scolaire) dans toutes les activités ;
- définissait une masse critique des leaders dans le domaine de l'éducation augmentée à tous les niveaux ;
- défendait l’idée de leadership pour l'apprentissage ;
- voulait imposer le leadership à tous les niveaux du système, les membres de la communauté éducative combinant leurs forces et leurs pour la réussite de chaque élève ;
- promouvait des coopérations et consultations publiques par le biais de de forums réguliers sur la direction scolaire ;
- souhaitait que les municipalités et des écoles/établissements motivés créent des modèles originaux de développement du leadership (dans un contexte de décentralisation) ;
- demandait que la formation par les consultants soit combinée avec une application pratique immédiate des compétences acquises dans les municipalités et les organisations scolaires sélectionnées ;
- réclamait que plus de 300 spécialistes de l'éducation, représentant les niveaux national, municipal et local, soient impliqués dans le projet en participant à des études formelles et non formelles, par le biais du processus de développement des compétences en matière de leadership ;
- proposait que la législation soit étudiée et analysée dans le but d'identifier les réglementations qui entravaient l'amélioration continue ;
- invitait à tenir compte de l'expérience acquise par les personnes et les institutions impliquées sous diverses formes et qu’elle soit diffusée dans des environnements virtuels.
Le projet "un temps pour les leaders" prévoyait ainsi la participation de représentants de tous les niveaux (national, municipal, scolaire). Environ 20 personnes de chaque municipalité (60 municipalités au total) devaient étudier ensemble pendant 22 mois et préparer/mettre en œuvre un projet de changement original pour chaque municipalité. 360 directeurs d'école/chefs d’établissement actuels et potentiels devaient suivre le programme formel de formation au leadership éducatif pour obtenir un master en management. 900 représentants de tous les niveaux d'enseignement suivaient un programme informel de leadership éducatif (composé de 5 modules), qui leur a permis d'obtenir un master en management (composé de 5 modules), avec 48 heures de contact et 200 heures sans contact. Différents programmes destinés à d'autres groupes d'une durée de deux, six, douze jours ou plus, sont venus se rajouter.
Une étude sur l'efficacité du management scolaire en Lituanie, a été réalisée dans le cadre du projet "un temps pour les leaders" et la création du master de management scolaire.
L'impact sur les agents impliqués (municipalités, consultants, décideurs politiques, directeurs d'école/chefs d’établissement et enseignants) a été positif. Les exemples incluent des rapports sur l'augmentation de la prise de décision participative dans les municipalités, des changements de carrière pour les enseignants, une utilisation accrue des services de conseil, etc. L'Agence du fonds social européen a reconnu l'efficacité de la gestion du projet. Les leçons tirées comprennent la nécessité de rechercher d'autres sources d'inspiration professionnelle, d'ajuster en permanence les cadres créés et, surtout, de s'appuyer sur les résultats obtenus pour garantir la durabilité
En conclusion, les chercheurs indiquaient également que l’un des moyens d'assurer la qualité et l'amélioration des organisations scolaires devrait être un politique d'accroissement de l'autonomie des écoles et des établissements. L'étude concluait que l'autonomie ne fait toutefois que créer les conditions pour un leadership efficace, mais ne garantissait pas la qualité de l'enseignement. En Lituanie, une série de mesures ont été prises ensuite par les autorités éducatives dans ce sens ; cependant, les chercheurs n'ont pas observé les signes d'une autonomie accrue, ou d’une mise en œuvre délibérée de modèles de leadership, même s’ils ont pu noter un renforcement des pratiques collaboratives entre enseignants engagés dans ces nombreux projets, dans un contexte de développement de l’auto-évaluation des écoles et des établissements.
Alors que l'élan pour la poursuite de la mise en œuvre des objectifs du programme un "un temps pour les leaders" s'accélérait et que la confiance grandissait, le ministère lituanien a décidé d'utiliser 5,3 millions d'euros supplémentaires d'aide structurelle du Fonds social européen pour 2017-2020.
La troisième phase est désormais en cours et poursuit l'objectif principal du projet, à savoir renforcer l'infrastructure de soutien au leadership dans le système éducatif lituanien, en renforçant les compétences des enseignants et des élèves et en donnant aux communautés nationales, municipales et éducatives les moyens de se concentrer sur la réussite des élèves et leur apprentissage.