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Slovénie : être chef d’établissement, un développement professionnel au service du leadership scolaire

Publié le 11 décembre 2023

En introduction au colloque international Enjeux et défis du leadership pédagogique et scolaire au XXIe siècle, l’IH2EF vous propose des présentations du contexte scolaire dans une douzaine de pays, essentiellement européens. Rédigées par Romuald Normand, professeur à l’université de Strasbourg et directeur scientifique de ce colloque, ces présentations permettent de saisir les différents contextes et enjeux scolaires qui seront évoqués par les intervenants.

Le contexte législatif et réglementaire

En Slovénie, le terme "chef d'établissement" désigne un cadre qui exerce la fonction de chef pédagogique et qui, conformément à la loi sur l'organisation et le financement de l'éducation, dispose d’une certaine autorité sur le personnel et assume des responsabilités pour la mise en œuvre des programmes scolaires, la direction pédagogique ainsi que le management des finances et des processus scolaires.

La loi de 2016 comprend certains articles relatifs aux chefs d'établissements. L'article 53 définit ainsi les conditions à remplir pour être nommés : avoir été enseignant, mentor ou conseiller pendant au moins cinq années, posséder ou acquérir le certificat des compétences nécessaires à la fonction. Le mandat s’exerce pour une durée de cinq ans et peut être prolongé par des élections. Le chef d’établissement est en effet nommé et démis de ses fonctions par le conseil d’administration composé de 11 membres, dont 5 représentants des personnels, 3 représentants du responsable de l’établissement et 3 représentants des parents ou des élèves.
Avant la nomination (ou le licenciement), le conseil d’administration recueille l'avis de l'assemblée des enseignants comme du conseil d’administration. Lorsque le candidat est sélectionné, la proposition de nomination argumentée est soumise au ministre censé émettre un avis. Si le ministre ne se prononce pas dans un délai de 30 jours, le conseil peut entériner la nomination du chef d'établissement.
L'article 49 de la loi de 2016 définit les responsabilités en matière de direction scolaire. Pas moins de 23 tâches sont comprises, liées notamment au management scolaire et au leadership pédagogique. La plupart d’entre elles sont difficiles à distinguer entre management et leadership. Elles comprennent :

  • l'organisation, la planification et la gestion de l'établissement ;
  • l'organisation du tutorat pour les stagiaires ;
  • la proposition de promotion du personnel à des postes et rémunérations plus élevés ;
  • la prise en charge de la coopération avec les parents ;
  • la responsabilité de l'évaluation et de l'assurance de la qualité ;
  • les rapports annuels d’auto-évaluation.

Cependant, certaines responsabilités du chef d'établissement peuvent être considérées comme du management :

  • veiller à ce que les décisions adoptées par les autorités publiques soient mises en œuvre ;
  • représenter l’établissement ;
  • être responsable de la légalité du travail ;
  • adopter des décisions concernant la gestion du personnel et conclure des contrats de travail, veiller à la discipline.

Les chefs d'établissement sont relativement autonomes dans plusieurs domaines : sélection et recrutement du personnel, allocation des ressources, achat d'équipement, conception du contenu de la partie facultative des programmes scolaires, organisation du travail, garantie de la qualité des processus éducatifs, relations avec l'environnement local, pour ne citer que les éléments les plus importants.

Néanmoins, le fonctionnement d’un établissement scolaire est limité par un nombre croissant de règles dans différents domaines, comme la sécurité incendie, la protection des données personnelles, les réglementations dans le domaine de la sécurité alimentaire, etc.
Récemment, une controverse a été causée principalement par la nouvelle réglementation des heures de travail des enseignants. Le ministère a proposé que la semaine de 40 heures soit enregistrée de manière plus précise et transparente, c'est-à-dire les heures d'enseignement, les réunions, les préparations, les activités de développement professionnel, etc. Cela a provoqué beaucoup de mécontentement de la part de l'administration, mais aussi des enseignants.
Bien que chaque gouvernement promette de réduire la bureaucratie, celle-ci ne cesse d'augmenter dans la pratique. Ce qui induit un manque de temps pour la direction pédagogique. En Slovénie, il n'y a pas de consensus sur la séparation des rôles managériaux et pédagogiques, ni parmi les chefs d'établissement, ni parmi les responsables politiques. De l'avis général, les chefs d'établissement ne consacrent pas suffisamment de temps au leadership pédagogique, car ils sont souvent accablés par des responsabilités juridiques et financières. Ils ne peuvent donc pas consacrer plus de temps à l'observation des cours, aux discussions sur l'apprentissage des élèves, ou encore à leur propre apprentissage professionnel.

Une École nationale du leadership en éducation

Pourtant, en 1996, le gouvernement slovène a créé "l'École Nationale du Leadership en Éducation", dont la mission est de renforcer les capacités de leadership des chefs d’établissement. Cela passe par la mise en œuvre des principes de l'apprentissage tout au long de la vie pour celles et ceux qui assument des tâches de direction scolaire. La formation comprend des conférences annuelles, divers séminaires et ateliers, ainsi que la participation à des projets nationaux et internationaux. La principale activité de l'École est la délivrance d’un programme et de la licence de direction scolaire. En raison de l'évolution rapide du rôle des chefs d'établissement slovènes, il a été jugé opportun que les méthodes de formation changent et intègrent de nouveaux contenus. L’objectif est de suivre les tendances mondiales et de mieux adapter la formation aux besoins des chefs d'établissement en Slovénie afin qu'ils soient en mesure de faire face aux différents rôles qu'ils doivent assumer dans une société de la connaissance.

L’École dispose aujourd’hui d'un système bien développé de développement professionnel tout au long de la vie.

Il commence par un programme de formation initiale, qui débouche sur l’obtention de la licence. La formation dure une année (144 heures de contact, 1 jour d'observation, des travaux et de l'auto-apprentissage). Elle s'adresse aux chefs d'établissement, qui sont tenus de terminer le parcours dans un délai d'un an (environ 20 % des participants), ainsi qu'aux "candidats à la direction d'établissement" (environ 80 % des participants). Ces derniers peuvent être n'importe quel enseignant remplissant les conditions légales. Les chefs d'établissement peuvent également participer au programme de mentorat pour leurs collègues nouvellement nommés.

Le programme de formation initiale conduisant à l’obtention de la licence officielle est au coeur des activités de l’École. Son principal objectif est de former les participants aux tâches de direction et de management scolaire telles qu’elles sont définies par la législation et de développer des compétences contribuant à l'efficacité personnelle et organisationnelle. Le programme est mis en œuvre par petits groupes de 18 à 21 participants, ce qui permet d'utiliser des méthodes actives comme des ateliers, du travail en groupe, des études de cas, des jeux de rôle, l'échange d'expériences entre les participants.

Le programme se compose de 6 modules obligatoires :

  1. module d'introduction : le chef d'établissement en tant que manager et leader, conduite d'équipes, styles d'apprentissage et gestion du changement ;
  2. théorie organisationnelle et leadership : théorie organisationnelle, modèles d'organisation scolaire, leadership scolaire ;
  3. planification et prise de décision : vision, planification, approches de la prise de décision ;
  4. compétences du chef d'établissement : gestion des conflits, conduite de réunions, observation des cours ;
  5. ressources humaines : climat et culture, motivation, développement professionnel du personnel ;
  6. législation.


Plus tard dans leur carrière, les chefs d'établissement peuvent choisir parmi plusieurs programmes plus longs, d'une durée d'au moins un an, comme "Leadership pour l’apprentissage", "le développement de la direction", et "Les réseaux de chefs d’établissement". Tous ces programmes s'appuient sur les derniers résultats de la recherche internationale et sur des méthodes actives de développement professionnel. Cependant, il ne s'agit pas là de l'offre complète de formations dispensées aux chefs d'établissement. Il existe aussi des conférences annuelles, des cours d'une durée d'un ou deux jours qui couvrent principalement la nouvelle législation et/ou le développement de compétences spécifiques. Ils sont dispensés soit par l'École Nationale soit par d'autres institutions publiques ou privées.

L’École nationale, ainsi que la faculté d'éducation de l'université de Primorska, coordonnent ou participent à plusieurs programmes nationaux et internationaux, comme "Diriger et gérer des environnements d'apprentissage innovants", "introduction et pilotage d'un modèle d'évaluation et d'assurance de la qualité dans l'éducation", et "développement de compétences entrepreneuriales dans les établissements primaires et secondaires". Ces programmes promeuvent l’apprentissage par l'expérience et le collaboratif, la réflexivité, l’interactivité, l’accompagnement par les collègues, le travail en réseau, le mentorat, des activités de conseil pour soutenir et accompagner les chefs d’établissement en externe, la mise en œuvre de stratégies de résolution de problèmes, l’échange de bonnes pratiques, le leadership distribué, mais aussi l’auto-évaluation, les démarches qualité, les compétences entrepreneuriales.


Source : Cencič, M., & Erčulj, J. (2019). Trends and challenges in leadership in education in Slovenia based on some selected projects. Leadership in education: Initiatives and trends in selected European countries, 207-224.