Photo drapeau norvège  et paysage norvegien

Norvège : le nouveau leadership pédagogique des chefs d’établissement adjoints

Publié le 20 juillet 2023

En introduction au colloque international Enjeux et défis du leadership pédagogique et scolaire au XXIe siècle, l’IH2EF vous propose des présentations du contexte scolaire dans une douzaine de pays, essentiellement européens. Rédigées par Romuald Normand, professeur à l’université de Strasbourg et directeur scientifique de ce colloque, ces présentations permettent de saisir les différents contextes et enjeux scolaires qui seront évoqués par les intervenants.

En Norvège, l’introduction des évaluations nationales datent de 2004. Elles ont été motivées par de mauvais résultats au Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) plaçant le pays en dessous de la moyenne de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Un système d’évaluation par la qualité a été mis en place afin de promouvoir une amélioration continue de l’éducation. L’État, dans un système décentralisé déléguant beaucoup de compétences aux municipalités, s’est appuyé sur les principes de la Nouvelle Gestion Publique pour définir des objectifs nationaux visant à améliorer les résultats des élèves.
Le système éducatif norvégien est majoritairement public (95% des écoles et établissements). Il promeut l’égalité d’accès de tous les élèves à l’éducation. Les établissements scolaires sont de petite taille, surtout en milieu rural. Le choix de l’école est peu développé, principalement dans les grandes villes. Les organisations syndicales sont très actives et négocient régulièrement les conditions de travail des enseignants alors que s’affirme la place du management dans la gouvernance du système éducatif.
Une grande confiance est accordée par les autorités publiques aux outils d'évaluation. Ils fournissent des données et des informations pour améliorer les pratiques pédagogiques. Les résultats des tests nationaux sont utilisés localement à des fins de comparaison et de benchmarking, les établissements visant à obtenir de meilleurs résultats que la moyenne des établissements au sein d’une même municipalité.

Les chefs d’établissement doivent se conformer à des contrats d’objectifs et démontrer l’amélioration des résultats des élèves en littératie et numératie.

La Norvège possède une longue tradition de promotion de valeurs démocratiques, comme l’équité et la solidarité. Les chefs d’établissement doivent développer l’esprit civique comme le préconisent les textes officiels, tandis que les directives nationales laissent une marge d’autonomie et d’interprétation aux équipes de direction pour promouvoir la réussite et l’inclusion de tous les élèves. Si un contrôle hiérarchique continue de s’exercer, et que les chefs d’établissement consacrent de plus en plus de temps aux tâches administratives et managériales, ils doivent travailler également à l’établissement de bonnes relations sociales avec les enseignants, en ayant une influence positive sur leur motivation, leur travail et leur moral. Ils doivent aussi se préoccuper des questions pédagogiques. L’équipe de direction et les enseignants partagent des rôles et des responsabilités dans l’établissement, ce qui amène quelques enseignants à occuper des positions intermédiaires entre administration scolaire et enseignement dans la classe.
La formation des chefs d’établissement n’est pas obligatoire mais elle est de plus en plus dispensée dans des programmes de formation nationaux selon les principes d’un développement professionnel continu.
Des expérimentations ont été menées régulièrement depuis le début des années 2000, en partenariat avec les universités et les municipalités. S’est progressivement imposé un modèle de compétences du chef d’établissement centré sur le leadership, même si auparavant ce dernier était considéré un "primum inter pares". L’affirmation des rôles de leadership de l’équipe de direction s’est depuis accentuée dans le système éducatif norvégien.

Aujourd’hui, il est attendu que les chefs d’établissement soient des "facilitateurs", capables d’instituer une "culture de l’apprentissage" et de développer une "organisation apprenante".

Ils doivent aussi contribuer de manière active au développement professionnel des enseignants et à l’amélioration des pratiques pédagogiques dans un "leadership collaboratif et distribué". En d'autres termes, la réorganisation a permis de changer un système dans lequel le chef d’établissement se sentait relativement seul et où les chefs adjoints n'assumaient pas de responsabilités de leadership alors qu’ils effectuaient essentiellement des tâches administratives. La réorganisation des missions a permis aux adjoints d’exercer de nouveaux rôles comme leaders en s’impliquant davantage aux côtés des équipes pédagogiques. Ces discussions professionnelles comme cette coordination horizontale permet de plus impliquer les enseignants dans des processus de développement de la qualité de l’éducation. Les chefs d’établissement donnent du sens à cette redistribution des pratiques de leadership au sein d’équipes de direction qui sont réorganisées à cette fin. Ces changements dans la structure organisationnelle et le partage des responsabilités de leadership affectent les aspects cognitifs et pratiques du travail du chef d’établissement. Ce dernier peut formuler de nouvelles attentes en terme de leadership auprès de ses adjoints, lesquels animent les équipes pédagogiques. S’impose alors une réduction du contrôle hiérarchique tandis que se développe la confiance au sein de l’équipe de direction, permettant au chef de se tourner vers des tâches extérieures à son établissement.

Le leadership du chef d’établissement prend également forme dans l’affirmation de valeurs démocratiques fondamentales, comme l’égalité et la solidarité.

Les chefs d’établissement norvégiens doivent préparer la jeunesse à la construction d’une société démocratique et à la modernisation du pays en fondant l’éducation sur des bases
rationnelles et scientifiques. Si la mise en œuvre des programmes scolaires accorde une certaine liberté pédagogique, les enseignants sont enjoints à la collaboration pédagogique
et l’interdisciplinarité sur des problématiques comme la santé publique, la démocratie et citoyenneté, et le développement durable.
La politique norvégienne en matière d'éducation met aujourd’hui en avant l’idée d’une responsabilité partagée. Il est attendu des chefs d'établissement qu'ils améliorent l'efficacité de l’organisation scolaire et les résultats des élèves aux évaluations nationales. Mais les municipalités ont aussi reconnu les limites de la structure de direction traditionnelle. Elles ont donc réorganisé les équipes de direction en modifiant le partage des rôles et des responsabilités avec les adjoints.

Ces directeurs adjoints sont maintenant reconnus officiellement comme des "leaders" responsables de différents groupes d'enseignants.

Auparavant, les chefs d’établissement se concentraient essentiellement sur des tâches administratives et ils accordaient peu d'attention aux questions de leadership pédagogique. L’un des objectifs des réformes récentes a donc été de dissocier le"leadership pédagogique" des chefs adjoints du "leadership stratégique" du chef d’établissement.