Photo paysage des Pays-Bas avec drapeaux hollandais

Pays-Bas : le leadership pédagogique, entre autonomie décentralisée et contrôle hiérarchique pour améliorer la qualité

Publié le 17 octobre 2023

En introduction au colloque international Enjeux et défis du leadership pédagogique et scolaire au XXIe siècle, l’IH2EF vous propose des présentations du contexte scolaire dans une douzaine de pays, essentiellement européens. Rédigées par Romuald Normand, professeur à l’université de Strasbourg et directeur scientifique de ce colloque, ces présentations permettent de saisir les différents contextes et enjeux scolaires qui seront évoqués par les intervenants.

Les Pays-Bas possèdent un système de gouvernance très complexe composé d'écoles publiques et privées financées par l'État pour autant qu'elles répondent aux exigences réglementaires, qui sont elles-mêmes contrôlées par un corps d'inspection.

L'égalité de traitement financier et la liberté d'enseignement sont définies et garanties par la constitution néerlandaise, si bien que secteurs public et privé sont éligibles aux mêmes conditions de financement public. Les associations de parents d'élèves sont très actives pour défendre ses droits et pour limiter l'intervention de l'État dans l'éducation. En conséquence, le système éducatif néerlandais est une vraie mosaïque avec des statuts et des situations très diversifiés des établissements/écoles, ainsi qu'une forte autonomie locale. Les conseils scolaires reçoivent la quasi-totalité du financement gouvernemental et gèrent les ressources humaines, l'évaluation, les contenus scolaires en imposant leur choix.

Alors qu'autrefois ces conseils scolaires étaient pris en charge par les notables locaux et les parents d'élèves, ils ont été professionnalisés et fusionnés durant les deux dernières décennies.

L'objectif du législateur était d'assurer une meilleure gouvernance financière tout en coordonnant un groupe ou un réseau d'établissements/écoles désignés comme responsables de l'amélioration de la qualité de l'éducation.

Ces changements de la politique éducative ont conduit à l'adoption d'une gouvernance multi-organisations en même temps que des conseils d'administration indépendants moins nombreux s'ouvraient aux intérêts privés. Les tâches d'exécution ont été déléguées à des dirigeants ou des conseils de surveillance fortement inspirés par des principes entrepreneuriaux alors que les questions de management des ressources humaines, d'équilibre des comptes financiers, de développement de l'assurance-qualité sont devenues des préoccupations quotidiennes.

Toutefois, cette nouvelle gouvernance a permis de faciliter de nouvelles collaborations entre établissements scolaires et/ou écoles tout en développant des communautés d'apprentissage professionnel.

Cette gouvernance en réseaux est jugée plus efficace sur le plan professionnel, dans la mise en œuvre de l'autonomie, mais ce changement d'échelle a aussi eu pour effet de limiter l'implication des enseignants et des parents d'élèves en mettant à distance les questions pédagogiques. En séparant les tâches de supervision et les tâches d'exécution, les autorités locales, tout comme le ministère de l'éducation, ont souhaité renforcer leur contrôle sur la qualité de l'éducation. Pour cela, ils se sont donnés un pouvoir de licenciement des cadres et imposés des critères nouveaux pour le financement des activités d'enseignement notamment dans les domaines de la langue maternelle et des mathématiques.

Des normes spécifiques ont été fixées pour améliorer les résultats des élèves tandis que se développait l'évaluation.

Les école/établissements étaient comparés dans leur réussite, comme en termes d'efficacité, d'efficience et d'amélioration continue selon les principes de la Nouvelle Gestion Publique. Le pouvoir de l'inspection dans le rendre compte et les pratiques d'audit s'est aussi renforcé au nom de la qualité. La pression sur les directions scolaires et les équipes pédagogiques s'est également accrue. Ils doivent désormais rendre des comptes sur leurs résultats.

Le chef d'établissement se trouve alors placé à la croisée de diverses exigences et attentes : conseils scolaires, inspection ministère.

Il est responsable du management mais aussi de l'amélioration de la qualité de l'organisation scolaire entre obligation de rendre compte et contrôle hiérarchique. Selon la nature de ses relations avec les conseils scolaires mais aussi avec ses collègues des autres établissements et écoles, son positionnement peut être très différent d'un territoire à l'autre. Tout cela contribue à des effets fortement hétérogènes dans l'amélioration de la qualité de l'éducation et les résultats des élèves, même si les études néerlandaises sont finalement peu nombreuses sur le sujet. L'action de ces nouveaux conseils scolaires apparaît assez peu concluante d'après les chercheurs, d'autant plus que les établissements ou les écoles manquent d'un réel accompagnement externe.

Toutefois, conscients des résultats de la recherche internationale qui viennent étayer le rôle essentiel des chefs d'établissement ou des directeurs d'école, les conseils scolaires cherchent à investir le leadership scolaire pour améliorer la réussite des élèves.

L'enjeu est de faciliter les relations avec les équipes de direction pour stimuler l'innovation et l'amélioration pédagogique de l'organisation scolaire. Dans la délégation de tâches qui sont concédées aux organisations scolaires, il est attendu que le chef d'établissement ou le directeur d'école prenne les décisions les meilleures pour améliorer l'enseignement et les apprentissages des élèves. Celui-ci est donc responsable des méthodes pédagogiques, de la prise en charge des élèves en difficultés, de l'allocation des ressources, mais aussi des enjeux de développement professionnel des enseignants, de leur embauche et de leur licenciement.

Aux Pays-Bas, pour devenir directeur d'école, il est obligatoire de suivre un programme de leadership certifié.

Dans l'enseignement secondaire, il est aussi fortement conseillé de suivre un programme de formation au leadership. Depuis 2018, chefs d'établissement et directeurs d'école doivent se conformer aux compétences de leader définies au niveau national. Un nombre croissant d'entre eux est enregistré dans un registre national. Ils s'inscrivent en compilant un portfolio afin de démontrer leur développement professionnel et l'acquisition de leurs compétences. Au bout de quatre ans, ils doivent se réinscrire et montrer qu'ils ont suivi plusieurs cours de développement professionnel sur le leadership scolaire. Pour cela, ils doivent participer à des conférences sur une ou plusieurs journées, des réunions de réflexion entre pairs et ils peuvent bénéficier d'un coaching par les pairs. La plupart d'entre eux reconnaissent que cela les aide à développer leur vision personnelle du leadership, leurs compétences en ce domaine, ainsi que leurs savoirs professionnels sur l'établissement ou l'école comme organisation apprenante, même s'ils manquent parfois de temps et d'argent pour se consacrer pleinement à ces activités.

Cette forte autonomie reconnue à la direction scolaire est une composante essentielle de la politique de l'établissement ou de l'école, avec des attentes fortes exprimées par les conseils et les parents pour l'amélioration de la qualité et des résultats. Selon la taille du réseau dans lequel se situe l'établissement ou l'école, la proximité sera plus ou moins grande avec le conseil scolaire, ce qui peut faciliter ou complexifier la nature des relations avec l'équipe de direction. Cela rend parfois difficile l'exercice de l'autonomie et la prise de distance avec le contrôle hiérarchique dans les pratiques de leadership. Face à ces incertitudes et cette complexité, il existe des risques de dysfonctionnements ou d'isomorphisme institutionnel potentiellement préjudiciable à l'adaptation des stratégies d'amélioration aux contextes locaux, comme le notent les chercheurs néerlandais.