Dans les coulisses de la 5e session du cycle des auditeurs 2021-2022 à l'IH2EF

Publié le 20 janvier 2022

La session 5 du cycle annuel des auditeurs 2021-2022 s'est tenue les 11 et 12 janvier 2022 à l’IH2EF. Deux journées très riches, menées en comodalité (une vingtaine de participants présents et une soixantaine à distance) durant lesquelles les auditeurs ont pu échanger avec une grande variété de publics : experts-associés, référents laïcité, anciens auditeurs des cycles 2019-2020 et 2020-2021, groupes de développement professionnel, etc.
Cette session a permis de se rapprocher à distance de cinq pays européens : le Danemark, l’Irlande, l’Italie, la Suisse et la Belgique.


Après un propos liminaire de Charles Torossian, IGÉSR, directeur de l’IH2EF, cette cinquième session a été ouverte par une allocution de Monsieur Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre, président de l’association Res Publica, sur le thème "une laïcité européenne est-elle possible ?". Il porte une définition de la laïcité basée à la fois sur la souveraineté et l’universalisme et alternativement, la précise comme un système de libertés d’opinion. Selon lui, il n’existe pas de définition européenne du principe de laïcité. Chaque État organise ce principe de manière normée ou de manière pragmatique sans nécessairement de fondement juridique. Pour Jean-Pierre Chevènement, la France est le seul pays laïc dans l’Union européenne du point de vue de l’affirmation constitutionnelle (loi 1905).
 

intervention de Monsieur Chevénement



 

la laïcité au coeur des débats - cycle des auditeurs 2021-2022

 

 

introduction de la 5e session du Cycle 2021-2022 par Monsieur Torossian


Suite à cette introduction à la fois historique et politique, Philippe Gaudin, directeur de l’Institut d'étude des religions et de la laïcité (IREL), agrégé de philosophie, docteur de l’école pratique des hautes études (EPHE) a abordé pour les auditeurs le thème de "la laïcité française dans le cadre européen et les défis de la laïcité scolaire française". Il définit la laïcité comme un principe juridique basé sur une approche éthique. Comme Jean-Pierre Chevènement, il pense qu’il n’existe pas de définition unique de la laïcité. Le but du droit est de parvenir à la paix dans un cadre moral et politique et de contribuer à l’ordre public. Le droit protège la liberté de conscience et de culte mais celle-ci n’est possible que dans le cadre contraignant de l’ordre public établi par la loi. La définition de la laïcité proposée par Philippe Gaudin est : "la protection et l’encadrement de la liberté de conscience et de culte dans le cadre de la loi d’un État non confessionnel" (inspiré d’une décision du conseil constitutionnel de 2013, CC DC QPC 2013).

Les auditeurs ont ensuite bénéficié de l’éclairage de Renaud Rochette, responsable formation recherche à l’IREL. Agrégé d’histoire, docteur en histoire, il a enseigné dans le secondaire, en classe préparatoire et à l’université. Il propose une approche d’abord historique de la laïcité. Il affirme également qu’il n’existe pas de définition unique de la laïcité ni de cadre juridique commun. Tous les pays européens ont une forme de neutralité. Il existe une forme de séparation dans tous les États européens.
Il mobilise plusieurs couples / oppositions de termes pour cerner ce principe :

  • politique et religieux ;
  • spirituel et temporel ;
  • Église et État.

Sa proposition de définition : "L’État définit un cadre juridique de l’exercice de la liberté religieuse".

Changement de cadre, changement de continent : c’est le canadien David Koussens, professeur à la faculté de droit de l'université de Sherbrooke (Canada), titulaire de la Chaire de "recherche Droit, religion et laïcité" qui s'exprime ensuite par un exposé intitulé "Les laïcités dans les démocraties libérales. Polysémie d’une notion, polymorphisme des aménagements juridiques".
En introduction, Monsieur Koussens renvoie à une vision partagée par un collectif de chercheurs affirmant que le principe de laïcité est un principe d’organisation politique avec un polymorphisme spatial et temporel. Un État qui n’a pas proclamé officiellement la laïcité peut toutefois l’appliquer dans ses fondamentaux. Il existe une grande variabilité dans la notion en fonction du moment et de l’endroit où cette question est abordée.
Il fait émerger quatre fondamentaux, ou invariants de la laïcité dans les différentes démocraties libérales :

  1. la séparation Église-État ;
  2. la neutralité de l’État ;
  3. la liberté de conscience et de religion ;
  4. l’égalité morale des citoyens quelles que soient leurs conceptions de la "vie bonne".

C’est une grille d’analyse qui permet les comparaisons internationales avec des structures politiques et culturelles très diverses.


 

session 5 du cycle des auditeurs 2021-2022

La journée du 12 janvier a été consacrée aux échanges avec cinq pays européens. Les participants ont pu interagir avec Maria Chiara Giorda, université de Rome III (Italie), Tim Jensen, université du Danemark (Norvège), Norman Richardson, Queen’s university, Belfast (Irlande du Nord), Leni Franken, université d’Anvers (Belgique) et Andrea Rota, université de Berne (Suisse).

Après un temps de préparation, les participants ont restitué les synthèses de leurs entretiens, dans des présentations à la fois riches et synthétiques :

  • pour le Danemark, il est observé une situation très nuancée, paradoxale à tous les niveaux ;
  • concernant l’Italie, l’école en tant qu’espace public est un laboratoire pour tester l’ambiguïté constitutionnelle italienne ;
  • en Irlande du Nord, il est constaté une partition des écoles et élèves catholiques et protestants (90%) ;
  • en Belgique, le système apparaît complexe en raison du pluralisme des communautés (francophone, néerlandophone et germanophone) ;
  • s'agissant de la Suisse, il a été noté des principes et pratiques principalement inspirés par la volonté de consensus général.

Dans ces cinq cas, les participants ont souligné la difficulté de comparaison de fait de spécificités politiques (fédéralisme ou non), culturelles, historiques.

La journée s’est conclue par la conférence de David Koussens, intitulée, "État et religions en Amérique du nord, la laïcité est-elle possible ? Un regard québécois". Il constate que "la laïcité est consubstantielle aux régimes démocratiques, qu’elle n’est pas spécifique aux régimes républicains : pas de laïcité républicaine en soi, mais des spécificités propres à chaque laïcité républicaine". Il ajoute enfin que "les démocraties libérales qui connaissent des politiques multiculturalistes sont aussi des régimes de laïcité".

 

Le cycle des auditeurs 2021/2022