Les enjeux juridiques contemporains du numérique et de l’éducation : état des lieux

Publié le 05 décembre 2023

picto article Grâce au numérique, la révolution a-t-elle eu lieu ? Rien n’est moins sûr. Pourtant, à l’ère du numérique, les technologies avancées telles que l’Internet, les réseaux sociaux, la collecte massive de données et l’intelligence artificielle ont profondément transformé la façon dont nous vivons, travaillons et interagissons les uns avec les autres. Le rapport du Cycle des auditeurs l’a parfaitement démontrée, mettant en évidence la force avec laquelle le numérique a bouleversé le système éducatif. Néanmoins, ces innovations technologiques ont également soulevé d’importantes questions relatives au droit et aux droits, l’essor d’Internet et des réseaux sociaux étant à la fois un formidable accélérateur de promotion des libertés et un vecteur de risques dont les démocraties modernes sont en train de prendre la mesure.

Raphaël Matta-Duvignau

Maître de conférences en droit public (UVSQ-Paris Saclay)
Expert-associé IH2EF

portrai de Raphaël Matta-Duvignau

 

Sur le plan juridique, le numérique a entrainé des changements majeurs, mais pas - encore ! - de révolution copernicienne. Bien évidemment, le droit se saisit quotidiennement de problématiques émergentes provoquées par l’apparition du numérique : données personnelles, confidentialité des échanges, respect de la vie privée, signature électronique, dématérialisation des procédures, droit à l’information et à la communication, procédés automatisés, intelligence artificielle, etc. Les travaux de recherche en droit sont nombreux, diversifiés et la source est inépuisable dans la mesure où il s’agit, en somme, d’une véritable terra incognita. Pour nous, juristes, nous pourrions comparer cela à la "conquête de l’Ouest" dans la mesure où tout est à découvrir, tout est à construire, tout est à systématiser. Le lecteur comprendra donc que, dans ces lignes, il nous est totalement impossible de réaliser une synthèse exhaustive du droit du numérique.
De manière plus modeste, nous ciblerons notre étude sur les rapports entre droit et numérique au sein du système éducatif. Toutefois, après une étude des textes et de la jurisprudence en la matière, il nous est possible d’affirmer que, si le numérique a provoqué un déplacement des enjeux, il n’a pour le moment, pas radicalement changé les principes juridiques guidant l’école et l’université, comme il n'a d'ailleurs pas encore profondément changé les principes guidant la société.
Les contraintes du présent exercice ne nous permettent pas de nous plonger dans une étude approfondie de la question, nous devons plutôt proposer un tour d’horizon. Dès lors, nous aborderons les thématiques de façon non exhaustive et avons dû effectuer des choix, avec tous les défauts, nécessairement, qu’une telle subjectivité emporte. Nous en avons pleinement conscience. Afin de présenter un état des lieux accessible et intelligible, nous synthétiserons différents travaux portant sur le numérique, en lien avec le système éducatif, que nous avons eu le privilège de coordonner[1]. Il s’agira donc d’un "balayage panoramique" des problématiques juridiques engendrées par le développement de l’outil numérique et appliquées au système éducatif, tant dans l’enseignement scolaire que dans l’enseignement supérieur. Nous résumerons ces travaux en deux idées principales :

  • d'une part, le numérique élargit le champ d’application et donne une résonance plus importante à des problématiques déjà existantes ;
  • d’autre part, il ouvre la voie à des contentieux émergents dont on ignore encore les limites.

Des principes stables, des enjeux transformés

Il serait possible de résumer en disant : "rien de nouveau". En effet, les outils numériques ne conduisent pas exclusivement à l’apparition ex nihilo de problématiques inédites, ils offrent une résonance plus importante à des domaines déjà bien ancrés.

L’affermissement controversé de la liberté d’expression

Cette formule témoigne de l’importance de la liberté d’expression (art. 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen), qui constitue "l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun" (Cour européenne des droits de l'Homme, 1976, Handyside). De prime abord, le déploiement du numérique, ces dernières années, a surtout consolidé de nombreux droits et libertés fondamentaux et modifié leurs conditions d’exercice. On observe un effet ambivalent du numérique sur l’exercice des droits fondamentaux, il interroge la pertinence des cadres juridiques existants. En somme, il n’y a rien de novateur à affirmer l’ambivalence des apports du numérique au sein de notre société : d’un côté il favorise et renforce l’exercice de libertés déjà existantes, de l’autre il présente de nouveaux risques pour celles-là mêmes.
Le régime juridique général de la liberté d’expression a donc été transposé mutatis mutandis à l’expression par voie numérique, pour tenir compte des enjeux nés de l’utilisation d’internet. La Cour européenne des droits de l'homme a été, en particulier, très proactive dans la reconnaissance du rôle d’Internet dans l’exercice de la liberté d’expression. En France, le Conseil constitutionnel a également consacré l’outil numérique comme un vecteur essentiel de la protection de la liberté d’expression (Cour constitutionnelle 2009, loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet), en rappelant que l’absence de contrôle a priori des contenus publiés sur internet favorisait ainsi un régime libéral et protecteur. Au sein des établissements scolaires, la liberté d’expression[2] dont bénéficient les élèves (reconnue aux enfants par l’article 13 de la Convention Internationale des droits de l’enfant[3] et reconnue aux élèves des collèges et des lycées par l’article L511-2 du Code de l’éducation) est également impactée par le développement des outils numériques. En effet, le droit à la liberté d’expression des élèves est affirmé par la loi n°89-486 du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation (article 10). Dans les lycées, les élèves peuvent réaliser et diffuser librement des publications, flyers, imprimés, journaux, sans autorisation ni contrôle préalable du chef d’établissement (article R 511-8 al.1du code de l'éducation). Les mineurs âgés de 16 ans révolus peuvent être nommés directeur de toute publication réalisée bénévolement, journal ou écrit périodique (Loi du 29 juillet 1881, article 6 al.5) ou service de communication au public par voie électronique (Loi n°82-652 du 29 juillet 1982, article 93-2 al.4). Le directeur de publication est tenu d’observer toutes les obligations liées à la publication, au dépôt, aux déclarations, aux rectifications, etc. Dans le régime de responsabilité en cascade prévu en matière de publication, les directeurs de publication sont responsables comme auteurs principaux des crimes et délits commis par la voie de la presse (Loi du 29 juillet 1881, article 42 s. presse écrite ; loi n°82-652 du 29 juillet 1982, article 93-3 communication par voie électronique). Notons que lorsque le directeur de publication est mineur, la loi prévoit que la responsabilité de ses parents ne puisse être engagée que s’il a "commis un fait de nature à engager sa propre responsabilité civile dans les conditions prévues par la présente loi". En ce domaine, le ministère de l’éducation nationale a souhaité étendre les moyens de publication et encourager la création de radios ou de webradios internes aux établissements afin "de permettre une diffusion des questions relatives à la vie lycéenne auprès de l’ensemble des élèves"[4]. Il est alors prévu que le chef d’établissement soit désigné comme directeur de la publication[5]. La liberté d’expression collective des lycéens passe également par un droit d’affichage reconnu (article R511-7 du code de l'éducation). Des panneaux d’affichages numériques ou papier[6] sont mis à disposition des délégués de classe, du conseil des délégués pour la vie lycéenne et des associations d’élèves par le chef d’établissement. Cependant, cette liberté d’expression rencontre quelques restrictions. Que ce soit sur papier ou support numérique, on trouve un grand nombre de règles pénales restreignant la liberté d’expression dans la loi du 29 juillet 1881 : provocations aux crimes et aux délits ou atteintes à l’honneur et à la réputation des personnes, diffamations, injures ; il faut y ajouter les dispositions de la loi n°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse et les règles visant à protéger le respect de la vie privée (C. civ. art.9, c. pén. art. 226-1 et s.), la présomption d’innocence (C. civ. art. 9-1) ou la propriété intellectuelle. Le contrôle des abus en matière de liberté d’expression dans les établissements relève de la responsabilité du chef d’établissement et du conseil d’administration en "collaboration avec le conseil des délégués pour la vie lycéenne" (C. éduc. art. R. 511-6). Dans ou hors de l’établissement, la liberté d’expression peut, en cas d’abus, entrainer des sanctions pénales, civiles voire disciplinaires. Lorsque les publications ont été diffusées à l’extérieur de l’établissement, sur des réseaux sociaux ou sur un blog par exemple, le chef d’établissement n’a pas compétence pour en suspendre ou en interdire la diffusion[7]. Il est cependant possible d’envisager des sanctions disciplinaires lorsque les publications à l’extérieur de l’enceinte scolaire "sont de nature à perturber le bon fonctionnement du service public[8]". Par ailleurs, il nous paraît nécessaire de citer la loi du 22 décembre 2018 relative à la manipulation de l’information, visant à lutter contre les fausses informations ("fake news"), qui crée une nouvelle voie de référé civil visant à faire cesser, sous certaines conditions, la diffusion de fausses informations. Bien évidemment, les publications évoquées précédemment y sont soumises.

La protection de l’ordre et de la sécurité publics

Les technologies de l’information et de la communication augmentent le risque de diffusion de contenus illicites, tels que ceux incitant à la haine raciale, à la discrimination, à la violence ou à la criminalité. L’exercice de la liberté d’expression sur internet peut également affecter certaines catégories de personnes vulnérables. Le développement de la cybercriminalité constitue un autre risque lié à l’essor du numérique. La volonté du législateur français de réprimer la consultation habituelle de sites terroristes procède à cet égard de la volonté d’étendre la lutte contre le terrorisme sur internet, dont le rôle dans la radicalisation des individus est souvent souligné. En outre, l’essor du numérique crée de nouveaux risques pour la sûreté et la sécurité, dès lors que les bases de données qui sont constituées sont susceptibles d’être piratées et corrompues par des agressions extérieures. Il ne faut pas croire que le système éducatif se trouve prémuni contre ces dérives. Rappelons simplement que les mêmes règles, à savoir les mêmes droits et obligations des utilisateurs, s’y appliquent.

Le droit au respect de la vie privée et familiale

Les facilités de publication en ligne engendrent des effets potentiellement néfastes pour la réputation des individus. Les données qui font "apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, ou l’appartenance syndicale" ou sont relatives à la santé ou la vie sexuelle d’une personne (cf. art. 9 Code civil et loi du 6 janvier 1978), sont à cet égard particulièrement sensibles, dès lors que leur traitement est susceptible de faciliter la surveillance ou le contrôle généralisé des individus ou de servir des intérêts privés, professionnels, commerciaux, voire purement malveillants. Le traitement et la diffusion des données personnelles, qui sont devenues le moteur de l’économie numérique, font ainsi peser un risque marqué pour la vie privée des personnes.

Le numérique accroit les conditions du respect des obligations déontologiques pour les agents publics

La loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires établit un nouvel article 25 au Titre 1 du statut général des fonctionnaires en imposant le respect de six obligations à savoir :

  1. "le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité" ;
  2. "dans l’exercice de ses fonctions il est tenu à l’obligation de neutralité. Le fonctionnaire exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. À ce titre il s’abstient notamment de manifester, dans l’exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses" ; 
  3. "le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité";
  4. le devoir de réserve[9] s’ajoute également parmi les obligations nées de la jurisprudence, tout comme :
  5. le devoir de loyauté et de loyalisme[10] ;
  6. le devoir d’honneur et de moralité[11].

Enfin il existe une obligation spécifique qui pèse sur les seuls agents du ministère de l’Éducation nationale, à savoir un devoir d’engagement et d’exemplarité qui fait l’objet de l’article 1er de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 relative à l’école de la confiance qui édicte que "l’engagement et l’exemplarité des personnels de l’éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l’établissement et contribuent au lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation. Ce lien implique le respect des élèves et de leur famille à l’égard des professeurs, de l’ensemble des personnels et de l’institution scolaire".

Ces règles générales sont également applicables au numérique. En effet, le fonctionnaire internaute n’est pas affranchi de ses devoirs déontologiques[12].

Le développement d’internet et la facilité qu’il procure dans l’expression d’opinions augmentent les risques de contournement ou de violation, parfois involontaire, des obligations déontologiques. L’éducation nationale ne fait pas exception et la jurisprudence administrative est féconde en contentieux relatif au non-respect des obligations déontologiques des agents du fait de l’utilisation d’outils numériques[13]. Les contraintes du présent exercice ne nous permettent pas de développer[14], mais précisons simplement que les obligations d’obéissance hiérarchique, de réserve, de discrétion professionnelle, de dignité et d’exemplarité sont régulièrement mises à l’épreuve à l’occasion de l’utilisation de réseaux de communication électronique : propos tenus dans des blogs ou sur des forums, critique du gouvernement, divulgation d’informations confidentielles, propos négationnistes ou révisionnistes, divulgation de photos ou vidéos à caractère érotiques, dégradantes ou humiliantes, propos haineux diffusés sur les réseaux sociaux, utilisation de la messagerie professionnelle à des fins personnelles, etc.

L’outil numérique augmente le risque de plagiat

Le plagiat[15] est défini comme une "appropriation de la paternité intellectuelle de tout ou partie de l’œuvre d’autrui par dissimulation du nom de son véritable auteur"[16]. Le plagiat est mentionné aux articles R. 335-9 du Code de l’éducation. Du copier-coller à la reprise d’idées, les actes sont, certes, divers, mais leur point commun est l’absence de citation du nom de l’auteur[17]. Dans l’enseignement supérieur, le plagiat est commis tant par les étudiants que par les enseignants-chercheurs. Le gain de temps, l’économie de la réflexion et les facilités offertes par le numérique sont des raisons communes[18]. Toutefois, les enjeux diffèrent. Tandis que le plagiat des étudiants dévalorise les diplômes, le plagiat des enseignants-chercheurs concerne l’exécution de leur mission et révèle un manque d’honnêteté scientifique. Les sanctions ne devraient, en principe, être appliquées qu’aux actes portant atteinte au droit d’auteur, donc au plagiat qui s’apparente à la contrefaçon. Le contrefacteur peut voir sa responsabilité civile engagée et être sanctionné par des dommages-intérêts, dont le calcul est spécifique au droit de la propriété intellectuelle[19]. Sur le fondement des articles L335-2 et L335-3 du Code de la propriété intellectuelle, il encourt, aussi, les peines principales de 3 ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. De surcroît, des sanctions disciplinaires sont applicables, tant pour les étudiants que pour les enseignants-chercheurs.

Le développement d’une politique de signalements des cas de maltraitance et de harcèlement en ligne

L’École est un lieu où les occasions de maltraitances sont réelles mais elle est aussi une institution qui peut mettre au jour des maltraitances de toutes sortes dont leurs origines sont étrangères au milieu scolaire. La dénonciation[20] est une pratique encadrée par le droit. Elle devient un signalement lorsqu’il s’agit de dénoncer, de divulguer ou de révéler l’existence d’un crime ou d’un délit telle la maltraitance d’un enfant (C. pénal, art. 434-3). Les principales dispositions législatives applicables en la matière sont celles de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale qui imposent que "toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs". Chaque agent public a l’obligation de procéder à un signalement auprès du procureur de la République en vertu de l’article 40 précité lorsqu’il constate dans l’exercice de ses fonctions l’existence d’un crime ou d’un délit. Avec le numérique, cette obligation peut se manifester lorsque l'agent a soit des raisons de penser qu’un élève est l’objet de violences sexistes ou sexuelles (ex. prostitution, pédopornographie), soit des situations assimilables à du cyberharcèlement : l’actualité est malheureusement féconde en faits divers tragiques relatifs au harcèlement scolaire en ligne. Face à l’ampleur préoccupante d’un tel fléau, le législateur, par la loi no 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, a inscrit à l’article L. 511-3-1 du Code de l’éducation la notion de "droit à une scolarité sans harcèlement". Pour donner corps à ce principe, le Code pénal est intervenu : selon l’article 222-33-2, le cyberharcèlement est une circonstance aggravante du harcèlement moral, "lorsque les faits ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique". De lourdes peines de prisons et d’amende sont prévues pour les personnes déclarées coupables de tels faits. Les raids numériques, appelés harcèlement en meute, sont punis de la même manière. Ces questions relèvent principalement du droit pénal et dépassent notre sphère de compétence ; toutefois il est possible d’affirmer que les auteurs de harcèlement en ligne, s’ils sont reconnus et associables au service public de l’enseignement (élèves, étudiants, personnels, etc.), peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires, de même pour les personnels ayant eu connaissance de tels agissements mais n’ayant pas exercé leur obligation de signalement.

Le numérique, vecteur de contentieux émergents dans le système éducatif


Nous proposerons un panorama, là encore très sélectif, des quelques nouveautés contentieuses et juridiques induites par l’essor du numérique au sein du système éducatif.

La confiscation d’objets connectés, théoriquement interdits dans les établissements scolaires

C’est à l’occasion de la loi n° 2018-698 du 3 août 2018 que les équipements terminaux de communications électroniques[21] ont fait leur entrée dans le Code de l’éducation : l’article L 511 5 en interdit en principe l’usage dans les écoles maternelles et élémentaires et au collège, en renvoyant au règlement intérieur la fixation des cas dans lesquels leur usage peut être autorisé. Dans les lycées, c’est le règlement intérieur qui peut interdire l’utilisation des objets connectés. La méconnaissance de ces règles peut entraîner la confiscation de l’appareil par un personnel de direction, d’enseignement, d’éducation ou de surveillance, les modalités de la confiscation et la restitution étant fixées par le règlement intérieur. Cela pose la question de savoir si le législateur a entendu permettre au règlement intérieur de prévoir une confiscation dont la durée et les modalités feraient obstacle à ce qu’une telle mesure ne soit pas regardée comme une "punition scolaire". Le Conseil d’État distingue ces simples punitions, qui sont des mesures d’ordre intérieur[22], des sanctions prises à l’égard des élèves, dont le régime est encadré par le Code[23]. En tout état de cause, cette confiscation doit rester une simple punition scolaire. Si la confiscation d’un objet, pour la durée d’un cours, voire d’une journée, peut être regardée comme une telle punition scolaire, une durée plus longue risque d’être qualifiée de sanction qui ne peut légalement être édictée par le règlement intérieur. Par ailleurs, une disposition qui prévoit la restitution d’un objet interdit à la fin de l’année scolaire est manifestement illégale[24]. Enfin, dans le cas d’un dommage causé accidentellement à l’appareil, ou d’un vol, un tel événement révèle une mauvaise organisation ou un fonctionnement défectueux du service public et est, à ce titre, susceptible d’engager la responsabilité de l’administration[25].

La protection des données personnelles et le respect subséquent de la vie privée

La protection juridique des données personnelles constitue LA principale problématique actuelle lorsqu’on associe droit et numérique. Elle mériterait, à elle seule, une étude beaucoup plus approfondie. Nous nous limiterons, ici, à quatre hypothèses brièvement illustrées.

Premièrement, la donnée à caractère personnel[26] peut être définie comme toute information se rapportant à une personne physique ou permettant de l’identifier directement ou indirectement. Il peut s’agir d’éléments spécifiques propres à l’identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale d’un individu, mais aussi d’un nom ou d’un pseudonyme (y compris un "identifiant en ligne"), d’une adresse électronique ou physique, de données d’identification diverses (données bancaires, numéro de sécurité sociale, d’adhérent, numéro d’élève) ou encore de données de géolocalisation[27]. Jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données (RGPD) du 27 avril 2016, la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 était le cadre applicable à la mise en œuvre d’un traitement de telles données, quel que soit le procédé utilisé. Le RGPD, entré en vigueur le 25 mai 2018, provoque un véritable changement de paradigme : le droit de la protection des données repose désormais sur une logique de responsabilisation des responsables de traitements qui va de pair avec une suppression de la plupart des formalités préalables[28]. L’article 4 RGPD définit le responsable du traitement comme "la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement". Chaque échelon des services de l’État (ministre, recteurs, directeurs départementaux de l’éducation nationale, chefs d’EPLE) a cette qualité pour les traitements dont il détermine lui-même les finalités et les moyens. Bien entendu, ces traitements doivent correspondre à l’exercice des compétences dévolues à ces autorités. Chaque responsable a l’obligation de respecter les grands principes rappelés par le RGPD (licéité, loyauté, transparence, limitation des finalités, minimisation des données, exactitude des données, limitation de la durée de conservation, intégrité et confidentialité des données) et de mettre en œuvre des mécanismes et des procédures de contrôle interne. L’article 37 RGPD prévoit la désignation obligatoire, auprès de chaque responsable de traitement, d’un délégué à la protection des données[29].

Deuxièmement, les bases de données sur les élèves heurtent frontalement la question de la protection juridique des données personnelles. En effet, le fichier "base-élèves"[30], l’une des applications nationales du système d’information du premier degré, concerne les écoles maternelles, élémentaires et primaires, publiques et privées, est régi par un arrêté du 20 octobre 2008 (modifié en 2017). Devenu "ONDE" ("Outil Numérique pour la Direction de l’École") depuis février 2017, c’est un traitement automatisé de données scolaires à caractère personnel recueillant des informations relatives à l’identité et aux coordonnées de l’élève (nom, prénom, sexe, date et lieu de naissance, adresse de résidence, INE), de ses représentants légaux (noms, prénoms, liens avec l’élève, coordonnées, assurances scolaires, nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles - PCS -), des personnes susceptibles d’être contactées en lieu et place des parents ainsi que des données concernant la scolarité (inscription, radiation, classe, niveau, cycle, langues vivantes étudiées) et les activités périscolaires de l’élève (garderie, étude surveillée, cantine ou transport). BE1D est relié à la base BNIE qui attribue à chaque enfant, dès la maternelle, un numéro national d’identification. Les informations recueillies sont principalement renseignées par les directeurs d’école. L’arrêté du 20 octobre 2008 énumère les finalités du fichier (gestion administrative et pédagogique locales, pilotage académique et national) et fixe la liste des autorités locales ou nationales ayant accès aux informations (personnelles ou anonymisées) qu’il contient : directeurs d’écoles, IEN et DSDEN, maires, services statistiques des rectorats ou du ministère. Le fichier fut et demeure l’objet de controverses. Dans une décision du 19 juillet 2010, le Conseil d’État entérine la durée de conservation des données de 15 ans prévue par l’arrêté du 20 octobre 2008. Il expurge le fichier d’une donnée sensible relative à la santé de l’élève : ici, la haute juridiction administrative reconnaît aux parents le droit de s’opposer pour "motifs légitimes" à l’enregistrement de données personnelles les concernant et concernant leurs enfants[31]. Dès lors, le contentieux postérieur à 2010 portera principalement sur le droit d’opposition pour motifs légitimes. Au vu des décisions rendues, ce droit reste théorique, aucune requête de parents d’élèves en ce sens n’ayant, a priori, abouti à ce jour. Les juridictions administratives exigent en effet que le "motif légitime" d’opposition fasse état de "considérations propres (au requérant) ou propres à ses enfants"[32]. En vérité, le nouveau cadre juridique induit par le RGPD ne modifie pas véritablement la possibilité pour les parents de s’opposer au traitement des données. En effet, si une donnée paraît nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique dont est investi le responsable de traitement, le consentement des personnes concernées n’est en effet pas requis et la possibilité de s’opposer est tout aussi limitée qu’auparavant.

Troisièmement, arrêtons-nous sur le développement des systèmes de surveillance. Ce sont des dispositifs[33] de contrôle à distance de l’accès et/ou des usages d’un espace privé ou public, le plus souvent organisés à partir d’un procédé technique permettant d’enregistrer des images et/ou des sons pour les transmettre à un centre de contrôle afin qu’elles soient visionnées en temps réel ou sauvegardées pour être exploitées (vidéosurveillance). Ils peuvent également recourir à la biométrie qui vise à identifier une personne à partir de caractéristiques physiques ou biologiques uniques et permanentes comme les empreintes digitales, iris, voix, visage, etc. Dans les collèges et les lycées, le chef d’établissement prend "toutes dispositions, en liaison avec les autorités administratives compétentes, pour assurer la sécurité des personnes et des biens" (C. éduc. art. R. 421-10 3°)[34]. Il lui faut toutefois obtenir une délibération en ce sens du conseil d’administration (C. éduc. art. R. 421-20 7° c). L’installation de dispositifs de surveillance à partir de caméras enregistrant et transmettant des images prises sur la voie publique à l’entrée ou aux abords de bâtiments et installations publics, catégorie à laquelle on peut rattacher les établissements d’enseignement[35], doit faire l’objet d’une demande préalable d’autorisation auprès du préfet du département[36] (CSI, art. L. 252-1). L’autorisation, s’il y a lieu, est délivrée pour une durée de 5 ans renouvelable (CSI, art. L. 252-4). L’installation doit être justifiée par la nécessité de prévenir "des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression, de vol ou de trafic de stupéfiants" (CSI, art. L. 251-2 5°) ou des actes de terrorisme. La loi prévoit au profit des personnes enregistrées un droit à l’information (CSI, art. L. 251-3 al.2 et R. 253-3) ainsi qu’un droit d’accès aux enregistrements (CSI, art. L. 253-5). La durée de leur conservation ne peut excéder un mois, sauf enquête pénale (CSI, art. L. 252-5). Lorsque ces systèmes "comportent en eux-mêmes des fonctionnalités" qui permettent "d’identifier, directement ou indirectement, des personnes physiques", ils sortent du régime d’autorisation prévu par le code de la sécurité intérieure pour relever des règles instituées par la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (CSI, art. L. 251-2 et L. 252-1 al.2). Toutefois, même lorsque le dispositif relève de la procédure d’autorisation préfectorale, la CNIL reste investie d’une mission de supervision des commissions départementales de vidéoprotection (CSI, art. L. 253-2 et L. 253-3) et peut, de sa propre initiative ou à la demande d’une commission départementale, vérifier que l’utilisation d’un système de vidéoprotection est conforme à l’autorisation préfectorale obtenue. Par ailleurs, les EPLE ne sont pas considérés comme des lieux ouverts au public[37], aucune autorisation préfectorale n’est donc requise pour la mise en œuvre d’une vidéosurveillance à l’intérieur de l’enceinte scolaire[38]. Le dispositif relève alors de la loi informatique et libertés si deux conditions sont remplies[39] : que les images fassent l’objet d’un enregistrement et d’une conservation, et non d’un simple visionnage et que l’identification par le responsable du traitement ou ses agents soit possible, condition considérée comme acquise dans les établissements scolaires[40]. Aucune autorisation préalable de la CNIL n’est requise. Le chef d’établissement, responsable du traitement, doit informer les personnes concernées de la finalité du système mis en place, ne traiter que les données pertinentes au regard de ces finalités et pour une durée limitée et sécuriser ces données (L. 6 janv. 1978, art. 4). Les personnes concernées ont un droit d’information, un droit d’accès, un droit de rectification et un droit d’opposition (L. 6 janv. 1978, art. 48 s.). Depuis quelques années, des dispositifs d’authentification biométriques sont mis en place dans des écoles afin de contrôler l’accès des élèves à la cantine scolaire avec l’autorisation bienveillante de la CNIL[41]. Récemment, la région PACA a souhaité expérimenter un système de contrôle biométrique de l’identité des élèves à l’entrée de deux lycées. La CNIL, saisie pour avis, a considéré le dispositif "contraire aux grands principes de proportionnalité et de minimisation des données posés par le RGPD"[42]. Le tribunal administratif de Marseille, saisi d’un recours, a pour sa part annulé[43] la délibération du conseil régional ayant autorisé la mise en œuvre de l’expérimentation.

Quatrièmement, il est question de la télésurveillance des examens. L’organisation des examens à distance, ou en "distanciel" ne finit pas de nourrir la jurisprudence. En décembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a eu à juger la question de la télésurveillance des examens en distanciel. L’affaire portait sur l’usage par l’institut d’études à distance d’une université, d’un logiciel de surveillance algorithmique des examens. Il s’agit d’une surveillance automatisée qui analyse les candidats en train de passer leur épreuve écrite via une analyse vidéo et sonore, et qui traite donc des données personnelles. S’il ne condamne pas totalement le dispositif et le principe de la télésurveillance, le juge considère en l’espèce que l’application concernée est un logiciel dont le recours aux données personnelles est disproportionné au regard de la finalité et contraire à l’exigence de minimisation des données du RGPD[44].

Les traitements algorithmiques des affectations des élèves et des étudiants

Un algorithme renvoie à un ensemble d’instructions destinées à résoudre un problème en vue de parvenir à un résultat. Deux dispositifs existent, l’un pour l’affectation des lycéens, l’autre pour les bacheliers souhaitant s’inscrire dans le supérieur.
Tout d’abord, l’affectation des élèves mise en œuvre par "Affelnet" (affectation des élèves par le net)[45] renvoie à l’étape du processus décisionnel par laquelle le DASEN fonde sa décision sur le résultat produit par un algorithme de traitement informatique de données à caractère personnel afin de faciliter la gestion, qui lui incombe, de l’affectation des élèves vers une filière secondaire, au collège ou au lycée. Rappelons que l’article D. 331-38 du Code de l’éducation dispose que la décision d’affectation est signée par le DASEN. Il s’en infère que les algorithmes "Affelnet" ne constituent qu’une simple aide à la décision d’affectation, ils sont semi-automatisés[46]. La pertinence de ce contrôle humain doit cependant être relativisée. Le recours à l’algorithme se justifie principalement par le gain de temps qu’il permet, de sorte que le directeur académique se borne à valider ou invalider le résultat sans s’assurer de l’exacte qualification juridique des données par les instructions. En effet, le temps nécessaire à la réalisation de ce contrôle, qui suppose des connaissances expertes en informatique, serait supérieur à celui d’une prise de décision sans recours à un algorithme. Rappelons également que l’article 47 de la loi du 6 janvier 1798 prévoit que, sous réserve de respecter certains garde-fous, une décision administrative individuelle produisant des effets juridiques à l’égard d’une personne peut être prise sur le seul fondement d’un traitement automatisé de données à caractère personnel. Rappelons ensuite une évidence : l’algorithme doit se conformer au Code de l’éducation. Celui-ci ne saurait faire écran entre les choix d’orientation de l’élève et les textes législatifs et réglementaires applicables. Les instructions algorithmiques doivent être édictées dans le plus strict respect de ces textes législatifs et réglementaires, sous peine d’irrégularité de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision d’affectation[47] si celle-ci s’est fondée sur le résultat produit par l’algorithme. Soulignons également qu’il pèse sur le DASEN une longue série d’obligations de transparence quant à l’usage qu’il fait de l’algorithme. L’élève majeur, le parent ou le responsable légal peuvent ainsi, par application de l’article 119 de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, obtenir du directeur :

  1. la confirmation que des données à caractère personnel les concernant font ou ne font pas l’objet de ce traitement ;
  2. des informations relatives aux finalités du traitement, aux catégories de données à caractère personnel traitées et aux destinataires ou aux catégories de destinataires auxquels les données sont communiquées ;
  3. le cas échéant, des informations relatives aux transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d’un État non membre de l’Union européenne ;
  4. la communication, sous une forme accessible, des données à caractère personnel qui les concernent ainsi que de toute information disponible quant à l’origine de celles-ci ;
  5. les informations permettant de connaître et de contester la logique qui sous-tend le traitement automatisé en cas de décision prise sur le fondement de celui-ci et produisant des effets juridiques à l’égard de l’intéressé.

La personne concernée peut également exiger que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données à caractère personnel la concernant, qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite. Elle peut également exiger, le cas échéant avec l’aide de la Commission d’accès aux documents administratifs (la CADA), que lui soit communiqué le code source de l’algorithme, érigé par le législateur au rang de "document administratif"[48]. Précisons par ailleurs que le Tribunal administratif de Paris a, le 19 juin 2023 (n° 2118469), jugé que la décision prise par le système "Affelnet" affectant un élève dans un établissement non demandé doit être motivée, au sens de l’article L.211-2 du Code des relations entre le public et l’administration. Le juge retient qu’affecter un enfant dans un établissement non mentionné comme vœu sur "Affelnet" est assimilable à un refus d’autorisation.

Ensuite, la procédure nationale de préinscription dans l’enseignement supérieur créée par la loi "relative à l’orientation et à la réussite des étudiants" du 8 mars 2018 (ORE) à l’article L. 612-3 est appelée "Parcoursup"[49]. La procédure a pour vocation d’optimiser les inscriptions, d’encadrer l’utilisation des algorithmes dans le classement sélectif des candidats, et de proposer des dispositifs d’accompagnement aux étudiants dont le dossier scolaire révèle des lacunes. La nouvelle procédure de préinscription autorise bien une sélection des candidats aux études supérieures. En quelques mots, disons que le classement des candidatures n’est pas abandonné entièrement à l’algorithme, lorsque celui-ci est utilisé par les commissions de sélection des vœux. Une intervention humaine sur chaque dossier est imposée par le législateur. La CNIL estime que la loi "informatique et libertés" interdit de décider l’affectation d’un candidat sur le fondement seul d’un traitement automatisé[50]. Cette intervention humaine jugée nécessaire est préservée par l’appréciation individuelle faite par les commissions d’examen des vœux sur des éléments dits "qualitatifs" présents dans les dossiers. C’est d’ailleurs l’établissement qui endosse la responsabilité de l’utilisation des données, alors même que "l’outil d’aide à la décision" est national[51]. Les algorithmes d’aide à la décision sont paramétrés à partir d’une liste limitative de données, publiée au journal officiel et validée par CNIL[52] et pertinentes pour apprécier le niveau et les motivations des candidats. Dans un souci de transparence, les codes sources des algorithmes utilisés pour le travail administratif sont considérés comme des documents administratifs[53]. Le Code de l’éducation impose de porter à la connaissance des candidats "les critères généraux encadrant l’examen des vœux"[54] au moment de la phase de la constitution des dossiers. La jurisprudence reconnaît également que les documents de travail émanant des commissions et relatifs au paramétrage, comme à la place de l’algorithme dans l’évaluation des dossiers, sont de même nature que le code source[55]. Plus généralement, le Conseil constitutionnel a jugé que le secret des délibérations préservé par l’article L. 612-3 du Code ne devait pas être interprété comme dispensant les établissements de rendre des comptes quant à l’appréciation portée sur les dossiers.

L’open science et la valorisation des productions scientifiques des chercheurs

La science ouverte[56] peut se définir comme la diffusion sans entrave des publications et des données de la recherche financées sur fonds publics. L’objectif est à la fois économique et démocratique. Il s’agit de permettre à tous l’accès aux savoirs à des fins de formation, de recherche, et d’innovation. Elle doit favoriser la transparence de la recherche et constituer ainsi un levier à l’intégrité scientifique. Plusieurs textes internationaux sont venus la consacrer. En France, la Loi pour une République numérique permet (C. rech., art. 533-4) à l’auteur d’un écrit scientifique issu d’une activité de recherche financée au moins pour moitié par des dotations publiques de mettre à disposition gratuitement dans un format ouvert, par voie numérique, la version finale de son manuscrit acceptée pour publication dans un périodique. L’éditeur, quand bien même il dispose d’une cession exclusive des droits, peut se voir opposer ce droit à l’expiration d’un délai (compris entre 6 mois et 1 an à compter de la première publication) ou lorsqu’il met lui-même gratuitement l’écrit à la disposition du public par voie numérique. L’article L.122-5,10° du Code de la propriété intellectuelle crée une nouvelle exception selon laquelle sont permises "les copies ou reproductions numériques réalisées à partir d’une source licite, en vue de l’exploration de textes et de données incluses ou associées aux écrits scientifiques pour les besoins de la recherche publique, à l’exclusion de toute finalité commerciale". Depuis, un Plan national pour la science ouverte rend obligatoire l’accès ouvert pour les publications et pour les données issues de recherches financées sur projets.

En définitive, le développement exponentiel des technologies numériques a remodelé de manière significative le paysage éducatif mondial.

Les établissements scolaires à tous les niveaux intègrent de plus en plus les outils numériques dans leurs méthodes d’enseignement et d’apprentissage. Cependant, cette transition vers le numérique soulève toute une série d’enjeux juridiques et réglementaires pour garantir la protection des droits des étudiants, des enseignants et des institutions éducatives. L’intégration croissante du numérique dans le système éducatif offre des opportunités immenses, mais elle est également accompagnée de défis juridiques complexes. Par exemple, l’émergence - fulgurante - récente de l’intelligence artificielle conversationnelle conduit à s’interroger, aujourd’hui, sur les conditions de la production scientifique et du savoir. La thématique est encore trop récente pour pouvoir en déterminer tous les enjeux juridiques.

Nous ne percevons, pour le moment, que le sommet de l’iceberg des problématiques juridiques induites par le numérique. Le champ des possibles est infini.

 

Notes

1.Dans ces développements, nous nous permettrons de reprendre, en les synthétisant, certaines contributions du Dictionnaire critique du droit de l’éducation, tome 1 enseignement scolaire, tome 2 enseignement supérieur, Paris, 2021, Mare & Martin, co-direction P. Bertoni et R. Matta-Duvignau.
2. G. HENAFF, "Liberté d’expression des élèves", in Dictionnaire critique..., t. 1
3. Entrée en application en France le 6 septembre 1990. Article 13 : "1. L’enfant a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant. (...)".
4. Circulaire n° 2010-129 du 24 août 2010, Responsabilité et engagement des lycéens.
5. Idem.
6. Idem.
7. Réseaux sociaux – Création de pages "spotted" par des collégiens et lycéens – Note Direction des affaires juridiques (DAJ)AJ A1 n° 13-122 du 22 avril 2013 : LIJ 176 – juin 2013, p.17.
8. Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, 6 avril 2006, Mme X, préc.
9. F. MELLERAY "L’impossible codification de l’obligation de réserve des fonctionnaires ?" Actualité juridique de droit administratif 2013 p. 1593.
10. E. DELAGE, "La loyauté de l’administration" Revue générale du droit (www.revuegeneraledudroit.eu) Études et réflexions 2015 numéro 1.
11. B. BEIGNER ,"L’honneur et le droit" librairie générale de droit et de jurisprudence, anthologie du droit p. 397.
12. A. CAVANIOL, "Le fonctionnaire internaute est-il affranchi de ses obligations déontologiques ? », AJDA 2011 P. 252.
13. Consulter : L’utilisation des réseaux sociaux par les cadres au périscope », lien : https://www.ih2ef.gouv.fr/lutilisation-des-reseaux-sociaux-par-les-cadr….
14. G. WAISS, "Déontologie", in Dictionnaire critique…, t.1. Voir aussi « Les mardis de l’IH2EF - Déontologie : enjeux et application dans le cadre de l’enseignement scolaire et supérieur », lien : https://www.ih2ef.gouv.fr/les-mardis-de-lih2ef-deontologie-enjeux-et-ap….
15. A. SZKOPINSKI, "Plagiat", in Dictionnaire critique…, t.1.
16. Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2019-2020, V° plagiat.
17. H. MAUREL-INDART, Du Plagiat, Gallimard, 2011, p. 267 et s.
18. J.-C. PACITTO, "Le plagiat : transgression individuelle ou phénomène organisationnel ?", in G. J. GUGLIELMI et G. KOUBI (dir.), Le plagiat de la recherche scientifique, LGDJ, 2012, p. 93-104, spéc. p. 97 et s.
19. Article L331-1-3 du CPI.
20. A. TAILLEFAIT, "Signalement", in Dictionnaire critique…, t.1.
21. T. GALLAUD, Objets connectés, in Dictionnaire critique…, t.1.
22. CE, 8 mars 2006, Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques, n° 275551.
23. Articles R511-12 à R511-19 du code de l’éducation.
24. Tribunal administratif de Strasbourg, 12 octobre 2005, n° 0204316.
25. CAA Nantes, 8 février 2001, M. et Mme Bonicel, n° 97NT02549.
26. T. GALLAUD, "Données personnelles", in Dictionnaire critique…, t.1
27. Article 4 du règlement (UE) 2016/79 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, JOUE, L 119, 4 mai 2016, dit règlement "RGPD".
28. La loi du 6 janvier 1978 a été modifiée en vue d’assurer l’harmonisation des dispositions nationales avec le RGPD, d’abord par la loi du 20 juin 2018, ensuite par l’ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018.
29. Article 39 RGPD.
30. V. LARROSA, "Base élèves", in Dictionnaire critique…, t.1.
31. Article 38 de la LIL en vigueur au 1er août 2004 : "toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement. Elle a le droit de s’opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d’un traitement ultérieur… ".
32. CE, 18 mars 2019, n°406313.
33. G. HENAFF, "Système de surveillance", in Dictionnaire critique…, t.1.
34. Tribunal administratif de Marseille, 9e ch., 27 févr. 2020.
35. consulter la circulaire du 14 sept. 2011 relative au cadre juridique applicable à l’installation de caméras de vidéoprotection sur la voie publique et dans des lieux ou établissements ouverts au public, d’une part, et dans des lieux non ouverts au public, d’autre part.
36. Ou le préfet de Police à Paris.
37. Un lieu ouvert au public est "un lieu accessible à tous, sans autorisation spéciale de quiconque, que l’accès en soit permanent et inconditionnel ou subordonné à certaines conditions" : TGI Paris, 23 oct. 1986 : Gaz. Pal. 1987.1.21.
38. Consulter la circulaire du 14 octobre 2009 relative au déploiement d’équipements de vidéoprotection dans les établissements du second degré les plus exposés aux phénomènes de violence ; également circ. 14 sept. 2011 préc. qui recommande pourtant d’informer le préfet.
39. CE, avis n° 385.125 du 24 mai 2011.
40. Circulaire 14 septembre 2011 préc.
41. Consulter la délibération. CNIL n°2006-103 du 27 avril 2006 portant autorisation unique de mise en œuvre de traitements automatisés de données à caractère personnel reposant sur l’utilisation d’un dispositif de reconnaissance du contour de la main et ayant pour finalité l’accès au restaurant scolaire.
42. Délibération CNIL du 17 oct. 2019 : www.cnil.fr/fr/experimentation-de-la-reconnaissance-faciale-dans-deux-l…. 43. Tribunal administratif deMarseille, 9e ch., 27 février 2020. 44. Tribunal administratif de Montreuil, ord. 14 décembre 2022, n°2216570. 45. J.-B. DUCLERCQ, "Affectation par les algorithmes", in Dictionnaire critique…, t.1. 46. J.-B. DUCLERCQ, "Le droit public à l’ère des algorithmes", RDP, octobre 2017, n°5, p. 1401-1434. 47. Tribunal administratif de Lyon, 6/12/2018, n° 1604746. 48. Article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. 49. F. MONNIER, "Parcoursup", in Dictionnaire critique…, t.2. 50. CNIL, délibération no2018-119 du 22 mars 2018. 51. Idem. La CNIL "estime que le ministère n’est pas responsable des traitements mis en œuvre dans les établissements d’enseignement supérieur". 52. Idem. La CNIL "estime que les données et informations définies en annexe du projet d’arrêté sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées". 53. L’article L300-2 du Code des relations entre le public et l’administration dispose que constituent des documents administratifs "les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions". 54. Article D612-1-5 du Code de l’Éducation. 55. Conseil constitutionnel, 3 avril 2020, "UNEF". Conseil constitutionnel estime que les candidats peuvent "obtenir la communication par l’établissement des informations relatives aux critères et modalités d’examen de leurs candidatures, ainsi que des motifs pédagogiques justifiant la décision prise à leur égard." De façon implicite, il reconnaît à ces information une nature de document administratif. 56. M. CLEMENT-FONTAINE, "Science ouverte", in Dictionnaire critique…, t.2.

 

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