photo reunion femmes et hommes femme parle management

Quelles marges de manœuvre des chefs d'établissement pour mobiliser la communauté enseignante ?

Publié le 23 juillet 2025

Entretien réalisé avec Romuald Normand, professeur de sociologie à la faculté des sciences sociales de l’université de Strasbourg le 17 décembre 2024

picto dialogue De quelle marge de manœuvre disposent aujourd’hui les chefs d’établissement pour exercer pleinement leurs fonctions dans toutes leurs dimensions ?

Les chefs d’établissement en France disposent d’une autonomie administrative et juridique, mais il serait inexact de dire qu’ils jouissent d’une véritable autonomie managériale, comme cela peut être observé dans d'autres pays. Cependant, des espaces de liberté existent, notamment pour ceux ayant une certaine expérience. Ces derniers savent lire entre les lignes des textes officiels et ajuster leurs actions aux besoins spécifiques des équipes pédagogiques, tout en respectant le cadre prescriptif. Cette capacité à dégager des marges d’action est essentielle pour développer un leadership effectif au service de l’amélioration des pratiques et, in fine, de la réussite des élèves.

picto dialogueComment les chefs d’établissement peuvent-ils encourager les pratiques collaboratives au sein des équipes ?

Pour favoriser les pratiques collaboratives, les chefs d’établissement doivent exploiter leur capacité à organiser les emplois du temps, en créant des plages horaires permettant aux enseignants de travailler ensemble. Ces collaborations peuvent être disciplinaires ou inter-niveaux et sont souvent porteuses d’innovation pédagogique. Le conseil pédagogique est un levier stratégique, à condition qu’il soit perçu comme un espace de co-construction et non comme un simple prolongement du conseil d’administration. Certains chefs d’établissement, en sortant des cadres rigides et en favorisant des ateliers de réflexion informelle, libèrent ainsi la créativité et l’énergie des enseignants.

picto dialogueQuel rôle jouent les relations informelles dans la construction de la confiance au sein des établissements scolaires ?

Les relations informelles sont essentielles à la construction de la confiance. Un chef d’établissement qui déambule dans les couloirs, échange spontanément avec les enseignants, les élèves ou le personnel administratif, devient une figure exemplaire et accessible. Ces interactions permettent de créer un climat d’empathie et de reconnaissance mutuelle, favorisant ainsi l’adhésion au projet d’établissement. Ce leadership informel, fondé sur les compétences sociales et émotionnelles, complète et enrichit les pratiques managériales formelles.

picto dialogue Quels sont les obstacles culturels et structurels à surmonter pour transformer la posture des cadres de l’éducation ?

Un des obstacles majeurs réside dans une vision trop formelle des relations professionnelles, où la planification et le pilotage instrumentalisé priment sur les processus de co-construction. Selon le chercheur canadien Michael Fullan, "la planification est un voyage" : il faut accepter de naviguer dans l’incertitude et privilégier les processus adaptatifs. Encourager l’apprentissage organisationnel et professionnel, souvent absent des textes officiels, est une piste essentielle pour accompagner cette transformation. Il s’agit de penser les équipes comme des collectifs en constante évolution, capables d’innover et de résoudre ensemble les problématiques rencontrées.

picto dialogueComment réussir à mobiliser l’ensemble de la communauté éducative autour d’un projet d’établissement ?

La mobilisation passe par une reconnaissance active des compétences et des contributions de chaque membre de la communauté. Un chef d’établissement capable de porter une vision collective et de démontrer son engagement envers les valeurs du projet d’établissement suscitera naturellement l’adhésion. Il est primordial d’instaurer un dialogue ouvert, d’encourager les initiatives locales et de valoriser les réussites individuelles et collectives. Ainsi, le projet devient non seulement un document de référence, mais également un facteur d’épanouissement pour l’ensemble des acteurs.

 

Cet entretien est extrait du dossier Autonomie et responsabilité des cadres.