Auditrice du Cycle des hautes études de l’IH2EF, Néophita Mars est secrétaire générale de France compétences. Elle revient sur ses motivations à participer au Cycle, et livre so n analyse sur cette session de travail dans l’académie de Nice.
IH2EF : Qu’est-ce qui vous a motivé à rejoindre le Cycle des hautes études de l’éducation et de la formation ?
Néophita Mars : J’ai souhaité rejoindre le Cycle de l’IH2EF, véritable laboratoire d’intelligence collective, pour contribuer à une réflexion publique stratégique et structurante capable d’éclairer les grandes transitions qui transforment le travail, l’éducation et les compétences.
Déjà engagée sur le champ de la formation professionnelle et de l’apprentissage, j’y vois l’occasion de prendre du recul pour décrypter les politiques éducatives, confronter les pratiques, et affermir le pilotage des transformations au sein de mon établissement, à l’aune des évolutions en cours.
IH2EF : Quel a été l’élément le plus marquant de ce séjour d’étude dans l’académie de Nice ?
Néophita Mars : La multiplicité des définitions et approches conceptuelles de la notion de compétence a été pour moi l’un des constats marquants de la session.
Si le socle commun de l’éducation nationale sert de base au sein de l’école, l’enseignement supérieur et le monde professionnel mobilisent encore des cadres distincts, encore insuffisamment articulés. Résultat : on parle tous de compétences, mais pas vraiment de la même chose. Ce manque de langage commun complique, me semble-t-il, la lecture partagée de la compétence entre les acteurs de ces différents mondes. En conséquent, il rend délicat la construction de passerelles et de référentiels pertinents et évolutifs, pourtant essentiels à une adaptation en continu.
De surcroît, les discussions sur les « nouvelles compétences » complexifient encore le paysage, car elles relèvent davantage, selon moi, d'une recontextualisation de l'existant que d'innovations radicales.
Enfin, l’intervention de Brigitte Hazard, inspectrice générale de l'éducation, du sport et de la recherche à la retraite, a rappelé un point essentiel : le droit fondamental à l’éducation et à la formation. Selon moi, si la finalité de l’école (vision humaniste) est affirmée dans les textes, elle se heurte aujourd’hui aux logiques adéquationnistes du marché du travail (vision utilitariste). Ce choc entre la finalité (l'idéal) et les moyens (l'économie) est au cœur de la difficulté à réformer le système sans en trahir les valeurs fondatrices.
IH2EF : Quelles réflexions personnelles cette session a-t-elle fait émerger ?
Néophita Mars : Cette session a élargi ma compréhension des politiques éducatives et de leurs enjeux. Elle confirme ce que l’on constate depuis le début de nos auditions : la nécessité d’une approche systémique pour interconnecter école, enseignement supérieur, formation professionnelle et monde du travail. L’idée serait de dépasser silos, rigidités organisationnelles et réglementaires, et empilements d’initiatives certes innovantes, mais dispersées.
Il faut réaffirmer une vision partagée des finalités éducatives et compétences, coconstruire référentiels et passerelles, via un écosystème apprenant fondé sur une coopération renforcée et pérenne à tous les niveaux.
Autre défi : l’urgence de mieux former et accompagner les professionnels au cœur du réacteur pour conduire et réussir les transformations de notre système éducatif, alors même que le secteur peine à recruter et que les différents niveaux, même si très engagés, se sentent insuffisamment reconnus et accompagnés.
IH2EF : Un mot pour résumer la session ?
Néophita Mars : Je choisis le mot interconnexion : il ne s’agit plus de juxtaposer les initiatives, mais de créer une véritable synergie systémique pour adapter et fluidifier les parcours du scolaire au professionnel, et ainsi faire face avec agilité aux mutations.
La 4e session de travail du Cycle des hautes études de l’IH2EF aura lieu du 16 au 18 décembre dans l’académie de Bordeaux : de nouvelles rencontres et visites permettront aux auditeurs et auditrices d’explorer les mutations à l’œuvre sur ce territoire, sur la question des compétences, et en particulier leurs futurs (sens, parcours éducatifs, synergies mobilisées, etc).



